La Prière de l'esclave

S'il ne restait, sous Vous, de moi
Qu'une âme en cri, qu'un feu d'effroi,
Qu'un corps en maux, qu'un cœur en fange,
Qu'une eau servile, impure, étrange…

L'astre du jour, la brise en fleur,
Les chants de joie que l'onde effleure,
Les mots bruissants, les doux silences,
L'instinct sacré, l'amour immense,

La vie, émue, douce douleur,
La mort, ardue, et son doux leurre
Seraient si vains, si peu, si vides
En l'abysse énorme et avide

De Vos yeux durs posés sur moi
Lorsque mes pleurs hurlent ma foi
D'être en Vos fers un animal
Ne refusant ni mors, ni mal ;

Lapant Votre ordre, à chaque coup,
Car n'être rien serait beaucoup…

Vous m'ôteriez jusqu'au recours
D'implorer jamais Vos secours,
De mendier Votre pitié,
D'échapper à l'inimitié.

S'il ne restait sur moi, de Vous,
Que l'amour dément s'il avoue
L'infâme ardeur et les souffrances,
Les sévices et les fulgurances

De la cravache ou du fouet,
Des spasmes arquant mon corps-jouet ;
Seul un merci pourrait Vous dire
Ce qu'être à Vous, c'est se maudire…

Maître, indigne de Vous, prosternée, soumise

Votre chienne