L'origine du Monde – Histoire d'un tableau de Gustave Courbet par Thierry Savatier Imprimer
L'humeur du jour
Écrit par Miriam   
L'origine du Monde - Histoire d'un tableau de Gustave Courbet par Thierry SavatierJ'ai déjà évoqué dans l'éditorial l'une des péripéties du chef-d'oeuvre de Courbet dont il va encore être question dans le billet du jour. Pour rappel, je renvoie les lecteurs à l'article La Censure-Phoenix et aux pitreries de la police de Braga à propos de la première de couverture de l'ouvrage Pornocratie.

Il doit être limpide que j'ai pour le tableau de Courbet une admiration sans borne. Il ne m'est pas possible d'être plus explicite sur le sujet, non pour des raisons de bonnes moeurs, mais bien plutôt parce que je respecte scrupuleusement la notion de vie privée. À commencer par la mienne, de vie privée, bien entendu.

Mais plantons le décor. Imaginons-nous Miriam Blaylock, assise dans son humble log-cabin, au beau milieu d'un désert culturel / slash / intellectuel / slash / artistique. Il y a bien ça et là quelques étoiles qui brillent au firmament. Il y a bien aussi deux ou trois bestioles sauvages, à la beauté farouche et galopante, qui piaffent à l'horizon. Et des souvenirs, en nombre. Mais pour le reste, c'est tout vu : nous sommes au Far-West désalphabétisé du XXIème siècle; les trains qui passent sont bondés, certes, mais surtout de bêtise crasse et très satisfaite d'elle-même. Miriam Blaylock regarde passer les trains en se consolant de qualité à défaut de quantité. C'est le désert, écrivais-je. Autant l'avouer : Miriam, la plupart du temps, elle ne cause pas parce qu'elle s'em*** comme une cow-girl morte.

Et puis un beau jour, le soleil et le facteur se liguent contre l'ennui. Un curieux essai atterrit sur la table du petit-déjeuner : L'origine du Monde, de Thierry Savatier. Les aléas de la distribution postale pourraient peut-être expliquer, à défaut d'excuser, pourquoi ce livre - dont la première édition date de 2006 – a mis quatre ans à parvenir dans mes rayonnages. Mais je n'ai pas le talent de Thierry Savatier pour les sagas, je ne formulerai donc aucune hypothèse. Passons à cette fameuse Histoire d'un tableau de Gustave Courbet.

L'essai est remarquable à plus d'un titre. Parce qu'il est des plus touffus, en tout premier lieu (désolée, je n'ai pas pu résister...) Parce qu'il est magnifiquement écrit, ensuite. Et enfin, parce qu'il donne une formidable leçon d'humanisme bien tempéré, splendidement documenté, d'une rigueur scientifique inattaquable et, cerise sur le tableau, qu'il s'offre le luxe d'un humour tout en finesse comme on en trouve désormais fort peu. L'Histoire du tableau de Courbet par Thierry Savatier n'a rien à envier à son sujet...

Il est pratiquement impossible de résumer l'essai, ajouterais-je plutôt que d'échouer en essayant. Tout au plus puis-je tenter d'en faire partager la saveur. Il s'agit autant d'une enquête policière que d'un Éloge (qui ne manque pas d'évoquer celui de Gérard Zwang, fort explicitement rendu dans l'un de ses ouvrages paru à La Musardine). Zwang qui, par sa Lettre ouverte aux mal-baisants, m'avait donné lui aussi l'occasion de formuler des commentaires assez proches  sur certaine forme d'humanisme en voie d'extinction.

Thierry Savatier, pour sa part,  nous convie à un tour du monde haletant, des toutes premières phases de la génèse de l'Oeuvre à son arrivée au Musée d'Orsay. Le lecteur ne souffle pas une seconde : les personnages se succèdent, les événements se précipitent, la trame de l'intrigue s'enchevêtre puis file entre les lignes. C'est tout un monde en effet qui se déroule au gré des pages : celui des propriétaires successifs, des artistes, des modèles, des muses, des historiens de l'art, des avocats ou des criminels qui participèrent, de près ou de loin, à l'histoire du tableau. Tout le XXème siècle y passe : c'est la Comédie Humaine de Balzac condensée en 263 pages – autant dire qu'il faut avoir l'esprit bien accroché !

Mais quelle jubilation, quel feu d'artifice, quel magnifique récit ! Je suis sortie de ma lecture comme d'un tour de Grand-Huit : les yeux pleins d'étoiles et toute prête à remonter aussitôt en page une. Ce que je ferai sans aucun doute, dès que j'en aurai l'occasion.

Il faut bien entendu réserver une place de choix à l'essai de Thierry Savatier (paru aux éditions Omnia, ISBN 978.2.84100.445.4). Mais il faut surtout rendre une longue visite à son blog Les Mauvaises Fréquentations. Il est des lieux virtuels dont la qualité ne peut qu'enflammer l'admiration.

Bonnes Lectures,
Miriam.