La Belle au Bois Baisant Imprimer
Contes érotiques
Écrit par Miriam   

Il était une fois un Roi et une Reine qui étaient sans enfant. Ce n'était pas faute d'essayer, et très souvent encore, mais rien n'y faisait. Le Roi s'enfilait du Viagra au petit-déjeuner, la Reine se tartinait de crèmes et d'onguents aux hormones, prenait sa température, calculait scrupuleusement ses heures d'ovulation et s'abstenait de manger des tas de bonnes choses : peine perdue. On fit venir les meilleurs médecins. On fit venir des sexologues. On fit venir des psychanalystes hors de prix, qui décrétèrent que la Reine avait des complexes castrateurs et le Roi des traumas pédo-libido-œdipiens précoces. On fit venir des shamans de lumière qui invoquèrent tous les saints et tous les anges jusqu'au douzième cercle de l'Apocalypse. On fit même venir d'Inde des prêtres tantriques qui faillirent transformer la Cour en bordel à ciel ouvert.

Finalement, la Reine, qui était loin d'être conne et se doutait bien qu'il aurait d'abord fallu tester les méthodes qui marchaient, au lieu de se lamenter que les trucs à la noix aient échoué, la Reine, donc, profita d'un jour que le Roi était à la chasse pour s'envoyer le Grand Chambellan. C'était courageux de sa part, et fort honnête. Courageux parce que le Grand Chambellan avait une tronche de gnou ratatiné. Et fort honnête parce qu'elle aurait tout aussi bien pu choisir le Premier Conseiller aux Armées, un espagnol naturalisé, beau comme l'Apollon du Belvédère - et après qui toutes ses Dames d'Honneur cavalaient comme des perdues. Mais la Reine sentait trop que c'était une affaire d'État et non une partie de plaisir. D'ailleurs elle ne voulait pas tomber amoureuse de qui que ce soit (déjà qu'elle n'était pas amoureuse du Roi, autant ne pas en rajouter...)

Comme il fallait s'y attendre, le Grand Chambellan réussit à féconder la Reine du premier coup (désolée pour ce mauvais jeu de mot). Il faut comprendre qu'il n'avait plus tiré le sien depuis près de quinze ans, de coup, et qu'il avait les couilles remplies à ras-bord. C'est malheureux à dire, mais quand on a une tronche de gnou ratatiné, ce sont des choses qui arrivent. Le Roi, bon prince, bien qu'il se doutât que le miracle n'en était sans doute pas un, fit comme si de rien n'était et passa neuf mois à ruminer ses espoirs d'avoir un fils. Pas de bol, ce fut une fille qui naquit. Comme quoi la perfection n'est pas de ce monde. Mais puisque la Reine était toute contente, et que d'un point de vue dynastique l'entourloupe était jouable, le Roi mit les petits plats dans les grands et organisa le baptême de la petite Princesse avec tout le faste possible. Il y convia toutes les fées du royaume et commanda pour l'occasion de magnifiques couverts ornés de diamants et de rubis. Les fées, en ce temps-là, se déplaçaient peu; surtout en journée. Il valait mieux y mettre les formes, si on voulait les avoir avant deux heures du matin.

Le jour « B », on vit donc arriver les fées les uns après les autres, qui en Porsche 911 GT2, qui en Lamborghini Gallardo, qui en... Comment ça, j'ai fait une faute d'accord ?! Mais pas du tout ! Les fées, c'étaient tous des mecs, évidemment ! Sinon comment ils auraient fait, pour monter les shows de Drag-Queens les plus zeit-geist de toute la Côte Ouest, je vous le demande ?! Il n'en vint que sept en tout, sur les huit que le service du protocole avait réussi à localiser. Le dernier, un vieux de la vieille qui n'avait plus participé à la moindre Gay Pride depuis bientôt vingt ans, passait pour être mort du Sida dans une Communauté New Age.

La Cour au grand complet et les invités de marque s'installèrent dans l'immense salle des banquets; quand soudain, au moment de porter le toast d'ouverture, le Grand Chambellan interrompit le discours du Roi en annonçant de sa voix la plus professionnelle :

- LADY CARABOSSE, ARTISTE-FÉE !

Tout le monde se retourna vers la porte. L'instant était dramatique, chacun s'en rendait compte. La responsable de com du service protocolaire était devenue plus blanche qu'une ligne de coke. La Reine regardait le Roi d'un air catastrophé. Les autres fées s'étaient mises à glousser comme des oies, en raillant le fourreau ridiculement lamé de leur collègue, qui s'était tout de même empâté à la taille et aux bras. Pour finir, ce fut le Ministre des Affaires Étrangères qui tenta de sauver les meubles, en expédiant un laquais dare-dare en cuisine, afin que l'on rajoute un couvert. Ce qui fut fait, mais avec les moyens du bord. Le contraste, entre le service orné de diamants et de rubis et la simple argenterie d'apparat, fut comme un coup de poing dans l'œil.

- Quelle bande de ploucs ! Grommela Lady Carabosse, en dévisageant les autres fées d'un air torve. Mais rira bien qui rira la dernière, mes petites pétasses.

Parmi les fées, le plus jeune, qui était assis à la gauche de Carabosse, flaira quelque entourloupe et se promit de ne pas se laisser entuber.

- Ouais, pétasse tant que tu veux, vieille salope ! Rassieds-toi sur ton plug, grosse vache, j'ai pas dit mon dernier mot...

Lorsque la fin du repas fut proche, le Roi pria les huit artistes de bien vouloir faire un don de fée à la petite Princesse. Ils se levèrent, comme une seule fée, et s'assemblèrent autour du berceau - sauf le plus jeune, qui était parti se planquer derrière un kakemono promotionnel (les fêtes coûtaient fort cher; le Roi avait dès lors pris l'habitude de réduire la note en faisant du product placement de-ci, de-là).

Le premier, une grande rousse plantureuse, assura que la Princesse aurait un physique de top-modèle; le deuxième, une blonde évanescente, qu'elle ferait de brillantes études de bio-chimie moléculaire et découvrirait le remède à toutes les infections sexuellement transmissibles; le troisième, une vamp à la Garbo, qu'elle serait la coqueluche de la jet-set mondiale; le quatrième, une brune ténébreuse, qu'elle aurait le don inné du pole-dancing; le cinquième, très Betty Page, qu'elle ferait une splendide carrière en tant que chanteuse de variété; le sixième, vêtu d'un smoking et outrageusement maquillée, qu'elle jouerait de tous les instruments mieux que Prince lui-même.

Le tour de Lady Carabosse était venu. Chacun retint son souffle - car l'on voyait clairement, à ses mains qui tremblaient et à ses yeux rougis, qu'elle avait largement besoin d'un verre et qu'elle ne l'avait pas encore eu.

- Que c'est charmant, chères consœurs... Que c'est kawaï... Commença-t-elle, en dodelinant de la tête avec un cynisme surfait.

- Allez, crache ton morceau, pauvre has-been new-wave ringarde, murmura le plus jeune, toujours planqué derrière son kakemono.

La vieille fée gonfla le torse et, très sûre de ses effets (qui ne laissaient pourtant pas d'être un peu à côté de la plaque), elle tonitrua :

- Et moi, je lui offre le seul don qui lui manque : elle deviendra nympho en se branlant avec un canard de bain, et elle en mourra ! Ahahahahaaaaaaaaaah !

Un murmure consterné parcourut l'assistance. C'était quand même très vache, pour une malheureuse bourde protocolaire. Le Roi et la Reine joignirent les mains et, les larmes aux yeux, la supplièrent de revenir sur un don aussi cruel. Mais Lady Carabosse ne voulut strictement rien entendre; et elle s'envola sur-le-champ dans une gerbe d'étincelles; ce qui était fort ringard en effet, car plus personne ne disparaissait ainsi depuis bien longtemps.

La plus jeune fée sortit alors de sa cachette d'un pas chaloupé et fit un appel au calme, d'une voix d'hôtesse de l'air :

- Bon, OK, c'est vraiment pas cool; mais ne paniquez pas, la fée Zizi va vous arranger ça vite fait !

Les six autres se tournèrent vers elle et opinèrent sereinement. La petite fée Zizi était encore novice, mais elle avait déjà beaucoup de succès; dans le milieu sa réputation excellente.

- Je ne peux pas tout effacer, sorry. Cette vieille salope a plus de pouvoir que moi... Mais je peux changer la fin. La pauvre petite bichette ne va pas en mourir, rassurez-vous, cher public ! Elle sera bien nymphomane à cause d'un canard de bain; mais elle sera sauvée - après avoir pulvérisé le Record Mondial de la plus longue partouze - grâce à un charmant fils de Roi beau comme un Ange et raide comme la Justice. Là, ça vous va, mes petits choux ? C'est bon là, comme storynette ?

Le Roi et la Reine trouvaient que les choses prenaient progressivement un tour de plus en plus porno et, avant que ça ne devienne ingérable, ils acceptèrent avec ferveur.

- Oui, oui, Chère Fée Zizi ! C'est paaarfait ! Tout à fait paaaaaaaarfait ! S'écria la Reine, en emmenant les fées loin du berceau; tandis que le Roi faisait du sémaphore avec les Dames d'Honneur, afin qu'elles emportent la petite dans les appartements de la Reine, par mesure de précaution contre toute autre forme de débordement magique.

La fête dura tout de même trois jours et trois nuits. Ce fut la Baptême-Party la plus dingue qu'on avait vu de longue date. Les clubbers en parlent encore... Mais revenons-en à notre petite Princesse.

Le Roi, qui trouvait qu'une Princesse nymphomane ne ferait pas très bon genre, dans le Gotha, fit voter une loi qui condamnait à mort toute personne fabriquant, distribuant, commercialisant, détenant, utilisant, réparant, collectionnant, représentant, trafiquant, recelant ou même simplement évoquant un canard de bain. Le peuple fit la gueule, évidemment. À commencer par la Reine et ses Dames d'Honneur.

- Le canard de bain, c'était un sex-toy bien innocent, protestèrent-elles.

- C'est pas comme au temps de Claude François, non plus. Les normes ISO sont ultra-sûres, que pourrait-il arriver ? S'indignèrent les ligues de défense du plaisir orgasmique clitoridien post-vaginal.

- Et puis même en le branchant sur secteur, il faudrait un moteur de Boeing pour l'alimenter en continu jusqu'à en mourir...

On eut beau râler, rien n'y fit. La Police Secrète ratissa le Royaume et confisqua tout ce qui, de près ou de loin, ressemblait à un love duck. Dur dur.

Les années s'écoulèrent cependant; la petite Princesse grandit en âge, en intelligence et en beauté. Elle fit la fierté de ses parents, autant que leur inquiétude perpétuelle. La Reine, surtout, se rongeait les sangs, car elle n'ignorait pas que l'arrêt d'une fée est inextinguible. Un jour que les parents de la Princesse étaient seuls à Saint-Barth, en vacances privées après une épuisante tournée protocolaire au Moyen-Orient, le Roi reçut un mail épouvanté du Palais : la Princesse était souffrante et ils devaient rentrer d'urgence. Les malheureux parents n'eurent pas besoin de plus de précisions. Ils savaient que le sort de Carabosse s'était enfin réalisé, et que leurs emmerdements allaient véritablement commencer.

De retour au Palais, leurs angoisses se confirmèrent brutalement. La Princesse, enfermée depuis deux jours dans ses appartements, passait ses journées et ses nuits à se faire jouir; elle ne mangeait plus, ne dormait plus et semblait incapable de sortir de la fièvre orgasmique qui l'avait saisie, après qu'elle ait trouvé, au fond d'un carton abandonné dans les réserves du Musée de la Femme, un canard de bain oublié. Et qui, comble de malchance, fonctionnait toujours. Les voies des fées sont incontournables, hélas ! Bien qu'elle n'eût aucune idée de l'usage courant que l'on pouvait faire de cette bestiole très banale, la Princesse l'empocha, la ramena au Palais et la testa toute seule dans sa baignoire, une fois ses Dames d'Honneur congédiées. L'instinct fit le reste. Lorsque la batterie fut à plat, la Princesse fit feu de tout bois, si l'on peut dire, et se servit indistinctement de tout ce qui lui tomba sous la main. On dut condamner l'aile du Palais où logeait la Princesse, tant ses cris rameutaient le petit personnel. Lorsque le Roi entra chez sa fille, il la trouva échevelée, les joues en feu, ruisselante de sueur et haletante comme une chienne en chaleur. Cela lui fit un choc épouvantable; trois Suisses durent l'emmener, à moitié dans les vapes, avec un début d'infarctus.

La Reine, de son côté, était moins impressionnable et nettement plus pragmatique. Elle fit appeler la fée Zizi, qui venait d'inaugurer son désormais célèbre Sex-Cognition-Tour par une session ultra-privée, au Mataqueen de Buenos Aires. La petite fée novice avait bien changé, en dix-sept ans. Elle était devenue une star internationale, qui remplissait des stades de 30.000 places et gagnait des centaines de millions d'écus à chaque album. Pourtant, elle avait su rester une nana toute simple - et elle n'avait pas oublié la Baptême-Party où, malgré son relatif anonymat artistique, on l'avait fort gentiment conviée, au tout début de sa carrière; ce qui l'avait en partie lancée. Elle prit son jet privé, piloté par le nain albinos qui lui servait d'impresario, et fila chez la Reine dès l'atterrissage. Cela faisait quand même douze mille lieues, dans le mauvais sens du jet-lag. Il n'y a pas à dire, les artistes-fées, ce sont de sacrés numéros.

Lorsqu'elle parvint au Palais, la fée Zizi fut tout étonnée du remue-ménage; puis, en écoutant les rumeurs dans les couloirs, elle se souvint de cette vieille histoire de sort et elle se mit à rigoler comme une folle (ce qu'elle était, convenons-en). La Reine eut du mal à reconnaître la petite Zizi dans cette grande femme fatale, au dos entièrement tatoué d'une horde de dragons furieux.

- Qu'est-ce qu'elle est bien roulée ! Se dit la Reine en la faisant asseoir.

La Reine fit un rapide résumé de la situation et la fée Zizi approuva les précautions qui avaient été prises, tout du moins en tant que mesures provisoires.

- On ne peut défaire ce qui a été conclu par le Sort, commenta sobrement la fée Zizi. Mais il faut l'aider, sinon elle va péter un câble. Ce qui lui faut maintenant, ce sont des hommes ! On ne guérit pas une nymphomane avec un peu de branlette, j'en ai bien peur.

- Et pas conne, en plus; décidément, quelle merveille ! Poursuivit la Reine en pensée.

Elle sourit tristement à la fée Zizi.

- Qué séra, séra, comme dit la chanson, soupira la Reine.

- Ne vous tracassez pas comme ça, Majesté, il faut juste que jeunesse se passe. N'oubliez pas que ma storynette finira bien : je tiens toujours mes promesses, moi. On va lui concocter deux ou trois gang-bangs pour commencer. Où sont vos gens ? J'ai d'abord besoin d'une poignée de gardes : des hommes de confiance, hein ? Honnêtes, loyaux et droits, c'est très important. Il me faut également quelques Dames d'Honneur - surtout, qu'elles soient jolies. Et un peu de personnel d'intendance, pour finir. C'est que la touze, ça creuse...

La Reine sentit une ombre de sourire naître sur ses lèvres.

- Et de l'humour... ah ! Que je raffole de cette petite Zizi ! Se consola-t-elle, toujours pour elle-même.

L'on sonna les gens que la fée Zizi avait demandés; elle les toucha de sa baguette magique, sur laquelle un impressionnant Apadravya orné de diamants bleus et roses mettait des gouttes de lumière du plus bel effet. À la Reine qui l'admirait, la fée Zizi expliqua que c'était Fakir Musafar, un ami malheureusement disparu, qui lui en avait fait cadeau.

- Jouissez ! Faites jouir la Princesse ! Ordonna la fée Zizi en ensorcelant le personnel désigné volontaire. Que vos existences soient désormais en suspens, jusqu'à ce que la Princesse sorte de son rêve érotique et trouve la bite de sa vie !

Ensuite, traversant le Palais comme une apparition sexuelleste, la fée Zizi toucha de sa baguette tout ce qu'elle rencontra de vivant (hors le Roi et la Reine); Gouvernantes, Filles d'Honneur, Femmes de Chambre, Gentilshommes, Officiers, Maîtres d'Hôtel, Cuisiniers, Marmitons, Galopins, Gardes, Suisses, Pages, Valets de pied; elle toucha aussi tous les chevaux qui étaient dans les écuries, avec les Palefreniers, les gros mâtins de basse-cour et la petite Pouffe, le Yorkshire de la Princesse, qui était auprès d'elle dans son lit. Dès qu'elle les eut touchés, ils furent tous saisis d'une intense frénésie orgasmique, rigoureusement identique à celle de leur Maîtresse, afin d'être tout prêts à la servir quand elle en aurait besoin; les broches mêmes qui étaient au feu toutes pleines de perdrix et de faisans se mirent à couiner du Marc Cerrone... Tout cela se fit en un moment; les fées n'étaient pas longues à leur besogne.

- Bien, maintenant que la logistique est réglée, il vaut mieux que vous partiez. Je ne crois pas que vous supporteriez de la voir à l'œuvre - c'est qu'elle a le feu au string, d'après ce que j'ai pu constater... Recommanda la fée Zizi au Roi et à la Reine, qui ne savaient plus trop sur quel pied danser, avec leur Cour au grand complet en train de s'envoyer en l'air, sans la moindre pudeur.

Les malheureux parents se résignèrent et obtempérèrent docilement; tandis que Zizi, qui savait ce que « paparazzi » veut dire, jetait un sort sur le parc à la française qui entourait le Palais et le transformait en une espèce de jungle inextricable, rendant toute indiscrétion tabloïdesque virtuellement impossible à entreprendre. Même en utilisant les satellites et Google Earth, tout ce qu'on pouvait distinguer c'était de la verdure et de la vapeur d'eau. Ainsi, tant qu'elle se ferait enfiler joyeusement par tout ce que le Palais comptait de corps turgescents, la Princesse n'aurait rien à craindre des curieux. Il faut le reconnaître, Zizi, c'était tout bonnement une fée géniale.

Je vous passe les détails de ce que fit la Princesse une fois qu'elle se vit bien à l'aise dans son Palais, sans vieux pour lui faire la morale ni protocole pour lui gâcher la vie. Ce serait trop long de vous raconter in extenso les innombrables orgies, parties carrées, bukkake et autres paraphilies poly- et multisexuelles qui se déroulèrent à l'initiative de cette adorable gamine, jetée par Carabosse dans l'enfer du stupre et du vice. Tout au plus vous dirais-je qu'elle se révéla très vite avoir un talent tout particulier pour la débauche; elle ne reculait en effet devant rien, ne s'effrayait d'aucune sexpérience et prenait candidement son pied à la moindre occasion. Elle devint rapidement une véritable Messaline, insatiable et plus obsédée que la dernière des salopes du cinéma gonzo. Il est vrai qu'elle était servie par une Cour très empressée; mais aussi par une plastique irréprochable : de longues jambes fuselées, une paire de seins monumentale, une bouche à damner un Rocco et un délicieux petit cul potelé, garni d'adorables fossettes, que ses Gardes Suisses ne se lassaient pas d'enfiler à longueur de journée. En bref, tout ce gai mélangisme aurait pu durer cent ans; mais il faut tout de même se calmer, à un moment ou à un autre.

Au bout d'un certain temps - que je serais bien en peine de mesurer, moi qui ne fais que relater les faits sans les avoir vécus - le Prince d'un royaume voisin survola la zone interdite dans son avion privé. Il s'était un peu paumé, vu que son pilote automatique s'était mis à déconner dès qu'il s'était trouvé au-dessus de la forêt. Il se voyait déjà crashé comme une omelette, bouffé par des bestioles grosses comme les dinosaures de Jurassic Parc, lorsque subitement les arbres s'écartèrent, les lianes se dénouèrent et la vapeur s'évapora. Il aperçut alors, à quelques centaines de mètres sous son assiette, une espèce de Domaine Libertin de plusieurs hectares, dans lequel une foule innombrable était occupée à baiser de toutes les façons imaginables.

- J'hallucine ! S'exclama le Prince, en se massant les couilles avec un sourire béat. Ou alors je suis déjà mort ?...

À ce moment-là, le pilote automatique se remit inexplicablement en marche et l'avion reprit de la hauteur. C'était bien entendu encore un coup de la fée Zizi, vous vous en doutez...

Le Prince, toutefois, ne put oublier la vision paradisiaque qu'il avait eue. De retour dans son pays, il se mit à enquêter sur la forêt qu'il avait survolée. Les réponses qu'il reçut furent toutes plus farfelues les unes que les autres : selon certains, il s'agissait d'une secte satanique, créée par des adeptes d'Alister Crowley; pour d'autres, c'était la mafia russe, qui avait établi là ses studios de production de cinéma X; pour les derniers enfin, c'était tout simplement le repaire d'un milliardaire totalement cinglé, qui y perpétrait, en toute impunité, toutes sortes de délits sexuels et de perversions libidineuses, inspirés de ses fantasmes répugnants. Le Prince, qui n'était pas dupe, haussa les épaules avec un agacement considérable. Ce n'était pas à lui qu'il fallait servir des carabistouilles pareilles, non plus.

Enfin, un vieux rédacteur en chef, qui avait pris le Prince en amitié et lui trouvait une petite mine, depuis qu'il était rentré de vacances, put éclairer sa lanterne en se marrant de bon cœur.

- Comment, Votre Altesse ! Vous n'avez jamais entendu parler de la Princesse nymphomane ?! Mais c'est pourtant le plus grand scandale qui ait secoué le Gotha depuis des siècles ! Figurez-vous que, dans ce Palais, la Cour est emprisonnée sous influence magique, en compagnie de la Princesse, à qui la Fée Carabosse a refilé la fièvre orgasmique comme cadeau de baptême. Tout ce beau monde, de la Baronne la plus huppée au dernier garçon d'écurie, est occupé à baiser comme des lapins, depuis que la Princesse s'est allumé l'entre-deux avec un vibro en forme de canard de bain. Ce qui m'étonne, c'est que vous ayez pu les apercevoir : on jure que la fée Zizi a monté un bois enchanté sur la zone, à cause des paparazzi... Il parait que la Princesse ne sortira de là qu'une fois calmée par un Prince beau comme un Ange et raide comme la Justice. Quel pitch, quand même ! Ces fées, ce sont vraiment de sales pervers, vous ne trouvez pas ? ... Votre Altesse ?

Le Prince n'avait pas attendu la fin de l'explication pour courir à l'aéroport. Dès qu'il avait compris le meilleur de l'histoire, il s'était juré de s'envoyer la Princesse, pour laquelle il bandait déjà aussi dur qu'un étalon prêt pour la saillie. Il organisa une expédition aéroportée et reprit immédiatement le chemin du Bois Baisant.

Cependant, les troupes d'élite qui l'accompagnaient ne purent seulement pas le suivre, lorsque le Prince, qui fut le seul que la forêt laissa passer, s'enfonça dans les fourrés. Il parvint sans aucune difficulté à la Cour d'honneur du Palais, et ce qu'il vit lui flanqua le braquemart le plus monumental qu'il avait jamais connu dans toute sa jeune existence. C'était, montant du moindre recoin, des râles et des beuglements de jouissance; l'image du sexe s'y présentait partout; et ce n'était que corps emmêlés d'hommes, de femmes et d'animaux; et qui paraissaient entièrement recouverts de cyprine et de foutre.

Dans l'entrée, les Suisses, le nez couvert de vaseline et la face cramoisie, étaient occupés à se lécher mutuellement le trou du cul. Passé la grande cour pavée de marbre et le sex-calier d'honneur, dans la salle des Gardes, les Hommes d'Armes étaient alignés en rang d'oignon, au garde-à-vous, et s'astiquaient la queue en mesure, en suivant les ordres du Chef de Peloton, très sérieusement occupé à enfiler une soubrette en levrette. Le Prince traversa enfin plusieurs chambres, pleines de Gentilshommes et de Dames en train de partouzer comme des hardeurs; debout; assis; couchés; ou même pendus au plafond. Il parvint pour finir à la chambre dorée de la Princesse. Sur un lit, dont les rideaux étaient ouverts de tous côtés, le Prince vit le plus beau spectacle qu'il eût jamais fantasmé : une jeune Princesse, qui paraissait avoir plus de vingt centimètres de gode dans l'anus, et autant dans le vagin, et dont le cul resplendissant avait quelque chose de lumineux et de divin. Il s'approcha en tremblant d'excitation et en l'admirant, et se mit à genoux auprès d'elle.

Alors, comme la fin de l'enchantement était venue, la Princesse cessa de se branler le clitoris ; et le regardant avec une surprise très touchante, elle soupira d'une voix rauque :


- Est-ce vous, mon Prince-Étalon ? Vous vous êtes bien fait attendre !


Le Prince fut charmé de ces paroles, et plus encore de la manière dont elles étaient dites. Il n'hésita pas une seconde à lui mettre sa pine sous le nez, vu l'érection magnifique qui l'animait, depuis son arrivée dans la chambre. Il l'assura qu'il allait la baiser à l'instant même, de la plus vigoureuse et de la plus délicieuse des façons. Ses explications manquèrent en peu d'éloquence; mais vous pensez bien que la Princesse s'en foutait comme d'une guigne; elle qui n'avait jamais vu bite aussi bien faite; et qui préférait de loin une longue pénétration à une longue conversation. Le Prince, de son côté, se montra plus embarrassé qu'elle, dès qu'il fut logé bien à fond dans sa chatte. Il ne faut pas s'en étonner; elle avait eu tout le temps de songer à ce qu'elle aurait à lui faire - on pouvait compter sur la fée Zizi, qui n'était pas la dernière en matière de porno, et avait prêté à la Princesse toute sa collection de films d'Andrew Blake, afin de parfaire son éducation. Enfin il y avait quatre heures qu'ils étaient occupés à baiser comme des tourterelles, et ils ne s'étaient pas encore donné le centième des orgasmes qu'ils avaient à s'offrir. Trois jours et trois nuits s'écoulèrent, avant que le Prince et la Princesse, épuisés, n'émergent de la chambre dorée - hirsutes, fourbus et affamés. La fièvre orgasmique qui avait si longtemps enflammé le Palais s'était calmée comme par enchantement; chacun sembla reprendre son souffle et songer à revenir à des activités un tant soit peu normales. Les Dames d'Honneur filèrent se doucher et laver leurs longs cheveux tout poissés de sperme. Les Ministres s'installèrent dans les salons d'apparat et grignotèrent quelques parts de pizza en sirotant une bière. Le personnel du Palais se détendit quelques heures; qui à fumer; qui à dormir; qui à changer de string et de porte-jarretelles. Tous étaient secrètement très soulagés que l'orgie perpétuelle soit enfin finie; car ils étaient complètement exténués.

Évidemment, le Prince et la Princesse se marièrent dès qu'ils eurent repris quelques forces. Mais minute, n'allez pas croire que l'histoire s'arrête ici, hein ! Les contes de fées, c'est une chose. La vraie vie, c'en est une autre, et bien raide, allez !

Le Prince reprit le chemin de son royaume dès après sa lune de miel. Il laissa la Princesse dans son Palais, déjà enceinte d'une petite fille. On pourrait se récrier : « mais c'est dégueulasse ! Pourquoi il la laisse toute seule ! Et après lui avoir foutu un polichinelle dans le tiroir, par-dessus le marché ?! »

Ce serait méconnaître la situation du Prince, Chers Lecteurs : la Reine sa Mère, dont la santé déclinait, avait épousé un roturier sur un coup de tête et, de ses amours, le Prince était né. Le Roi, qui n'était en réalité que Prince-Consort, n'avait donc strictement rien eu à dire dans les affaires du Royaume. Toutefois, depuis que sa virago de femme avait chopé la mort, le vieux ne se privait plus de noyauter le Palais et le gouvernement - avec toute la hargne des vingt ans de couleuvres qu'il venait d'avaler. Il faut également préciser que le Roi était, avant son mariage, un ressortissant étranger, venant d'un pays lointain et, de ce fait, culturellement et religieusement fort différent de celui de son épouse. Le service de com du Palais avait arrondi les angles, en jurant que le futur Roi avait reçu une éducation très comme il faut, qu'il avait fréquenté les meilleures universités et obtenu des postes très en vue dans les entreprises internationales les plus prestigieuses. En bref, les arguments habituels.

Au début, tout s'était relativement bien passé. Mais, depuis que la fin de la Reine approchait, le Roi se montrait de plus en plus braqué sur les « traditions » de son pays d'origine, qu'il reprochait vertement à son fils de ne pas embrasser. Le Prince, il est vrai, trouvait les principes moraux et les références culturelles de son paternel totalement ignobles. Le Roi avait donc décidé, en secret, d'évincer son fils, qui aurait normalement dû succéder à sa mère; et de prendre les rennes du pouvoir à la suite d'un coup d'état militaire, fomenté de main de maître-terroriste; solidement aidé, cela va sans dire, par les grosses huiles qu'il avait placées aux postes-clé de l'armée, avec des ruses de Sioux.

Le Prince sentait bien qu'il se tramait quelque chose; il avait donc laissé sa délicieuse épouse bien à l'abri chez elle, car le vieux l'aurait sûrement traitée de pute et de chienne impie. Cet arrangement bancal, qui ne devait durer que quelques semaines, se prolongea pourtant des années. La Princesse eut d'abord une fille, la petite Orgasme; puis un fils, le petit Jouir, né deux ans après sa sœur.

Enfin, le jour tragique arriva où la Reine-Mère finit par décéder, des suites de la terrible maladie dont elle avait souffert pendant des années. Le Prince, qui se crut le maître, fit aussitôt rendre publique la nouvelle de son mariage. Et, sans trop réfléchir il est vrai, il ramena triomphalement sa femme et ses enfants dans son royaume natal.

Le père du Roi faillit s'étrangler de rage, lorsqu'il comprit que sa belle-fille n'était pas de la même religion que lui - c'est-à-dire de la seule Vraie Religion qui existât au monde. Il n'osa cependant pas mettre son coup d'État à exécution. Par prudence, il préféra monter de toutes pièces un conflit fumeux à la frontière Nord du Royaume, où le nouveau Roi son fils dut rejoindre l'armée illico; alors qu'il venait à peine de s'installer dans la capitale, avec sa petite famille enfin réunie.

Très sournoisement, le beau-père invita alors sa belle-fille et ses petits-enfants à passer quelques temps dans une villa isolée au fond des bois, afin de « mieux faire connaissance ». En réalité, il avait bon espoir que son imbécile de fils se prenne un missile sol-air en pleine poire; ce qui réglerait le problème du coup d'État une bonne fois pour toutes, et lui permettrait surtout d'être régent en titre pendant de longues années. Mais il lui fallait d'abord s'assurer que la salope que son fils avait épousée soit convertie, ainsi que ses deux mécréants de gosses. Et par la force, de préférence (le père du Roi, j'ai oublié de le dire, était une véritable ordure, qui adorait s'attaquer aux femmes et aux petits enfants).

Dès le troisième jour après leur arrivée, le père du Roi fit venir dans sa chambre le Grand Ordonnateur du Culte, qu'il avait emmené avec lui, et lui balança :

- Demain, vous ferez exciser la petite Orgasme. Il est temps de purifier cette petite pute; elle a quatre ans passés !

- Ah ! Monsieur ! S'écria l'Ordonnateur du Culte.

Le pauvre gars - que ce genre de mutilation aurait bien fait gerber, s'il avait osé - était au fond un panthéiste et un humaniste. Hélas, il n'avait jamais eu le courage de prendre ses distances d'avec les intégristes religieux - de peur de se faire traiter de raciste et, par là-même, de légitimer qu'on lui coupe les couilles, en guise de représailles.

- Quoi, tu critiques la Sainte Parole du Dieu Très Juste ?! Tu veux qu'on te coupe les couilles, en les écrasant lentement dans un moulin à sel, hein ? Je veux qu'on l'excise, comme c'est écrit dans le douzième quatrain ! Et sans anesthésie, encore ! Répondit vertement le père du Roi.

Complètement atterré, le Grand Ordonnateur du Culte s'inclina jusqu'au sol et quitta la pièce. Il savait parfaitement qu'il n'avait pas le moindre choix et que sa seule issue était d'obéir. Il se rendit donc, la mort dans l'âme, à la chambre de la petite Orgasme. Elle lui sauta au cou dès qu'elle le vit, en réclamant qu'il lui raconte une autre des histoires dont il la régalait d'habitude, comme celle des Quatre Mille Licornes Vertes. Le Grand Ordonnateur fondit en larmes : quel immonde salopard aurait eu le cœur de faire subir une telle atrocité à une aussi adorable petite fille ???!!!

Il s'enfuit à toutes jambes et courut s'enfermer dans son bureau. Avec l'aide de sa petite amie, qu'il faisait passer pour sa servante aux yeux de tous, il écuma le web et s'évertua la nuit entière à monter de toutes pièces un Photoshop Disaster terrifiant, sur lequel on voyait clairement la petite Orgasme en train de se faire exciser. Le matin de cette horrible nuit blanche, il fit voir les images truquées au père du Roi, qui éclata de rire en se lissant la barbe.

- Ahahahahaha ! Ces petites putes impies, voilà comment on les calme !

Le Grand Ordonnateur avait très discrètement fait disparaître la petite Orgasme sans rien dire à quiconque; et c'est sa copine qui la cachait dans une chambre d'amis où personne ne foutait jamais les pieds, parce qu'elle donnait sur la benne à ordures. Il se croyait quitte, et faisait des prières toute la journée pour que le Roi s'en revienne très rapidement de la guerre, lorsque, huit jours après l'ordre d'excision, le père du Roi le convoqua de nouveau.

- Demain, tu feras circoncire le petit Jouir ! Éructa le père du Roi, en roulant des prunelles comme un maniaque enragé.

Le Grand Ordonnateur, qui avait fait son examen de conscience une bonne fois pour toutes, ne broncha pas. Sans perdre une minute, il fit porter le petit Jouir dans la chambre où il avait dissimulé sa sœur et, durant une seconde nuit blanche, il s'escrima à falsifier d'autres photos. Il devenait vachement balaise, il faut bien le dire. Avec des caches et des filtres, on fait vraiment ce qu'on veut.

Le père du Roi fut encore plus satisfait que la première fois.

- C'est parfait. La fille peut bien crever de septicémie, ce ne sera pas une grosse perte. Mais le garçon est précieux; lui seul est digne d'être un Bon Croyant. Surtout, soignez-le bien ! Commanda le père du Roi.

Le Grand Ordonnateur lui aurait bien fait bouffer sa barbe et tous les poils de son cul, avouons-le. Mais il lui apparut qu'il était beaucoup plus important de protéger les deux petits. Il se tut donc et sortit, en faisant moult courbettes. Pour se remonter le moral, il se dit que le pire était certainement derrière lui et qu'il allait pouvoir souffler un peu, voire même faire sortir les enfants de la villa et les mettre définitivement à l'abri. Qu'il était naïf !... Peu de temps après, le père du Roi le rappela  :

- Maintenant que les deux enfants y sont passés, c'est le tour de cette chienne de Reine ! Tu la feras exciser comme sa fille, à vif, bien entendu; mais je veux aussi qu'on l'infibule et qu'on lui suture l'anus. Cette salope d'incroyante doit apprendre ce qu'est la Vraie Vertu...  Et avant de la faire purifier, tu la feras violer par cinq ou six gardes, des deux côtés. Il vaut mieux être sûr qu'elle ne soit plus vierge; car si elle venait à mourir pendant l'opération, ce ne serait pas en accord avec les Saints Commandements.

En entendant ce nouveau délire de psychopathe, le Grand Ordonnateur eut les yeux qui lui sortirent presque du crâne. Le père du Roi devait être soit complètement taré, soit complètement débile ! [Ou soit complètement les deux, ndlr...] Il faillit rétorquer à cet infâme connard que la mère de deux enfants ne pouvait évidemment plus du tout être vierge, mais il se mordit les lèvres en croisant le regard de frapadingue que lui lança le père du Roi. Il était inutile de discuter : mieux valait garder son énergie pour un autre montage photo... qui n'allait pas être de la tarte ! Trouver des clichés des gardes à bidouiller, tu parles d'un challenge ! C'est alors que le père du Roi asséna le coup de grâce :

- Et cette fois-ci, fais-moi un film. Je le regarderai en compagnie de ma belle-fille, quand on aura fait d'elle une Vraie Croyante.

Le Grand Ordonnateur sortit de la chambre en titubant. Il regagna son petit studio en état de choc. Sa petite copine dut lui faire boire un grand verre de whisky pour le remettre d'aplomb, lui à qui sa religion interdisait pourtant d'ingurgiter autre chose que de l'eau et du lait de brebis. Après une longue crise de sanglots, le Grand Ordonnateur se leva en serrant les dents et prit le chemin des cuisines. Il y chaparda un couteau de boucher et monta directement à la chambre de la Reine, avec la ferme intention de lui trancher la gorge; ce qui valait tout de même mieux que le sort que son beau-père lui réservait. Il entra d'un pas décidé, mais ne put se résoudre à la tuer sans au moins lui expliquer pourquoi. Il lui fit donc le récit de ce qui avait été décidé par le père du Roi.

- Fais vite alors, je préfère ne pas souffrir. Au moins je vais retrouver ma petite fille et mon petit garçon, qu'on m'a enlevés et sans qui ma vie n'a plus aucun sens, soupira la Reine en s'allongeant docilement sur le lit, tandis que de grosses larmes roulaient sur ses joues.

- Mais les petits sont en vie ! S'écria le Grand Ordonnateur. Je les ai fait cacher dans une chambre par ma pet... euh... par ma servante. Ils sont sains et saufs, Votre Majesté, je vous assure ! Suivez-moi, je vais vous mener jusqu'à eux... L'important, c'est de gagner du temps ! Après, il faut se barrer d'ici... dès cette nuit, sinon nous sommes foutus ! J'étais trop con et trop lâche, mais maintenant je suis prêt. Je préfère encore crever que de continuer à cautionner tacitement des dégueulasseries pareilles !

La Reine se ressaisit aussitôt qu'elle sût que ses enfants étaient en vie. Elle se précipita en toute hâte à la chambre où le Grand Ordonnateur les avait fait mettre à l'abri, les serra follement contre sa poitrine et, hoquetant de soulagement et de bonheur, elle les couvrit de baisers. Les pauvres petits ne comprenaient plus rien : on leur avait dit que c'était un jeu de cache-cache géant, et que s'ils gagnaient la partie contre leur Maman, ils seraient dispensés d'école et de rangement de chambre jusqu'à la fin de leurs jours. On peut s'imaginer leur déception, lorsqu'ils crurent que leur mère avait fini par les retrouver. Le petit Jouir se mit donc à pleurer à chaudes larmes, malgré les efforts désespérés de sa Maman, du Grand Ordonnateur et de sa petite copine pour le faire taire; car si l'on s'apercevait du subterfuge, ils étaient tous bons pour la fosse commune.

Il faut que le Destin s'accomplisse, pourtant, malgré les tentatives dérisoires des humains d'entraver sa marche inexorable. Le bruit alerta les caméristes, qui alertèrent les majordomes, qui alertèrent les gardes, qui alertèrent enfin le père du Roi. Ce dernier, lorsqu'il comprit que le Grand Ordonnateur s'était copieusement foutu de sa gueule, entra dans une rage épouvantable et manqua crever d'apoplexie  (et il ne l'aurait pas volé, n'est-ce pas, Chers Lecteurs ?)

Lorsqu'il fut calmé, il ordonna qu'on fasse emplir une citerne de kérosène et qu'on y plonge la Reine, ses enfants, le traître à la Religion et sa misérable putain; avant d'y mettre le feu et de les regarder griller comme des sauterelles; parce que, prétendait-il, le Livre Saint exigeait que les incroyants périssent de cette manière. [Je ne sais pas trop de quel torchon il se réclamait, mais un conseil : si vous tombez dessus, faites-en le même usage que celui qu'on réservait autrefois à la Pravda, dans les hôpitaux de l'ancienne Union Soviétique].

Après une longue nuit d'angoisse, on conduisit les pauvres condamnés, les mains liées derrière le dos, jusqu'au bord de la cuve où clapotait le kérosène, dont les vapeurs toxiques saturaient déjà l'air matinal.

Mais Tadaaaa ! Au moment où les hommes de main du père du Roi s'apprêtaient à précipiter les victimes dans la cuve, un convoi militaire entra en trombe dans la cour et des soldats d'élite de la force d'intervention spéciale de l'ONU en sortirent, avec à leur tête le Roi en personne.

On imagine sa stupeur et son effroi de découvrir que son père avait pu fomenter de telles abominations. Il le fit mettre aux arrêts, puis traduire en procédure d'urgence devant la Cour Internationale des Crimes Contre l'Humanité. Les juges ne chipotèrent pas : ils lui mirent perpète, en quartier de sécurité. Mais en réalité, il ne fit pas deux semaines. On avait spécialement sélectionné une prison ukrainienne pour sa détention. Une fois là-bas, les autres détenus- ayant « malencontreusement » appris qui il était et ce qu'il avait fait - lui réservèrent un deuxième procès, privé celui-là, et lui firent la peau sans la moindre hésitation. Il ne faut jamais pisser contre le vent; CQFD.

Le Roi ne regretta pas son taré de père fort longtemps. On peut le comprendre. Il se consola bien vite avec sa splendide salope de femme et ses deux adorables enfants. Leur règne se prolongea plus d'un siècle; durant lequel ce brave monarque créa la première Démocratie Érotocratique de toute l'histoire de l'humanité. Ce fut, de l'avis unanime des historiens, la période la plus éclairée de ce Royaume, qui rendit son peuple le plus heureux et le plus épanoui de tous les peuples de la terre...

 

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