Les femmes, la pornographie, l'érotisme de Marie-Françoise Hans et Gilles Lapouge Imprimer
Lectures érotiques - Varia
Écrit par Miriam   

Les femmes, la pornographie, l'érotisme de Marie-Françoise Hans et Gilles Lapouge Auteur, scénariste et journaliste, Marie-Françoise Hans a commencé par enseigner le français, avant de se lancer dans l'écriture. Elle est notamment l'auteur de l'ouvrage « Les Femmes et l'argent », aux éditions Grasset, ainsi que la scénariste de pièces de théâtre (« Louise » ou « George et Alfred »). Elle a participé de moitié à l'ouvrage « Les Femmes, la pornographie, l'érotisme » avec Gilles Lapouge. De ce dernier, écrivain et journaliste également, précisons qu'il est né à Digne en 1923, qu'il a collaboré au Monde, au Figaro Littéraire et à Combat; et qu'il s'est illustré en tant qu'écrivain (« L'incendie de Copenhague », « La Bataille de Wagram » ou « Le Bois des amoureux », pour ne citer que quelques titres). Mais replaçons « Les femmes, la pornographie, l'érotisme » dans son contexte socio-historique, à savoir l'année 1978.

L'époque n'est pas anodine : c'est à peine deux ans après la loi du 30 décembre 1975 sur le « Classement X » au cinéma, qui a stoppé net une production hexagonale dont « Emmanuelle » et « Histoire d'O » sont les deux fleurons. Pour ce qui est du contenu de la loi, volontairement évasif quant à la définition de ce qui est « pornographique » ou pas, simplifions en rappelant qu'il s'agit de taxer plus lourdement le « cinéma porno » et d'exclure toute subvention, que ce soit à des réalisateurs, à des sociétés de production ou même à des réseaux de diffusion. Le résultat étant qu'à partir de l'entrée en vigueur du décret, le cinéma porno a sombré avec armes et bagages dans un cloaque puant - dont il n'est d'ailleurs plus jamais sorti depuis. Car en 2011, au Ministère de la Culture (Censure ?), la « Commission de classement des œuvres cinématographiques » travaille (sévit ?) toujours. Voir à ce sujet l'article d'Ovidie sur le classement X de son film « Histoires de sexe(s) » en 2009.

Mais bref. En 1978, soit dix ans après les mouvements de libération de mai 1968, le débat sur la pornographie fait rage. Chez les femmes, surtout. Et les féministes en particulier. On se doute que ce n'est pas pour la défendre que les femmes se mobilisent : il faut bien plus de dix ans pour sortir d'un conditionnement multi-millénaire. C'est de là que part l'initiative de Marie-Françoise Hans et Gilles Lapouge. Comment est perçue la pornographie, et plus précisément le cinéma pornographique, chez cette moitié fraîchement libérée de la société ? Afin d'y voir plus clair, ils vont procéder à une série d'interviews; comme ils sont journalistes, ils se servent des outils qu'ils maîtrisent le mieux. Ils se heurtent dès l'abord à de grosses difficultés. La première, et non des moindres, étant de parvenir à une définition exacte du terme « pornographie » (depuis Maître Garçon et l'affaire Sade-Pauvert, on sait qu'elle ne peut être que transitoire). La seconde étant de trouver des volontaires pour les interviews. Or, suite à l'annonce qu'ils passèrent dans « Libération », nos courageux auteurs ne furent contactés que par... des hommes ! (bizarre, vous avez dit bizarre ?...). Quand j'écris « courageux auteurs », je devrais plutôt préciser « courageuse Marie-Françoise Hans »; est-il bien utile d'apporter cette précision - ô combien révélatrice ?! Mais enfin, ils parviennent tout de même à se tirer d'affaire, en activant, trente ans avec que le terme soit inventé, ce que l'on nomme communément de nos jours leur « réseau social ». Leur étude est dès lors un peu biaisée, mais ils sont suffisamment professionnels pour faire en sorte que la diversité des profils (âge, situation, milieu social, etc.) soit respectée. Il faut saluer cet exercice journalistique bien tempéré, une espèce devenue fossile de nos jours.

Et bien que je ne suive pas du tout la conclusion de Marie-Françoise Hans, qui part dans un délire sur les « snuff movies » - je me rappelle assez comme le sujet m'énervait déjà, adolescente -, force est de reconnaître que les interviews posent les principaux éléments de la problématique « pornographie » : rôle du capitalisme, sexe marchandise, répression sexuelle organisée, censure économique, déshumanisation, etc. Je ne peux résister à citer un passage de l'interview de Judith Belladona, auteur de l'ouvrage « Folles femmes de leur corps » sur la prostitution : Question : Et savez-vous si les prostituées portent un jugement sur ce phénomène qu'est le débordement pornographique ? Réponse : Je crois qu'elles sont assez méprisantes - bien que ne condamnant pas la porno, comme le font les femmes du Mouvement, au nom du voyeurisme, de l'exhibitionnisme - parce que les gens se font leur cinéma et qu'elles le savent bien, elles, combien la misère sexuelle des hommes est grande et que la porno est le grand leurre qu'on sert aux gens pour leur faire passer la pilule d'une condition de vie lamentable.

Rien ne semble avoir changé depuis 1978, hélas. Il faut espérer que les femmes ET les hommes vont se réveiller et prendre leur destin pornographique en main. On peut rêver.

« Les femmes, la pornographie, l'érotisme », par Marie-Françoise Hans et Gilles Lapouge, aux Éditions du Seuil (Collection Points Actuels), ISBN 2.02.005426-4.