Le sado-masochisme, les artisans du fantasme de Jean Streff Imprimer
Lectures érotiques - Varia
Écrit par Miriam   

Le sado-masochisme, les artisans du fantasme de Jean Streff De Jean Streff, auteur, scénariste, essayiste, ancien assistant de José Benazeraf et secrétaire du Prix Sade, je ne dirai qu'une seule chose : s'il n'existait pas, il faudrait l'inventer d'urgence. Pour une présentation plus approfondie, les amateurs feront bien de lire l'interview qu'a réalisée Virgile Iscan et qui se trouve en ligne sur son excellent site web www.viceland.com. Est-il utile de préciser que l'admirable premier ouvrage de Jean Streff, « Le masochisme au cinéma », paru aux Éditions Veyrier en 1978, trône en très bonne place dans l'enfer de ma bibliothèque depuis de nombreuses années ? Quoiqu'il en soit, Jean Streff est un « Grand Monsieur », comme l'on dit : de par son immense érudition cinématographique, de par son libertarisme militant et totalement incorrect, selon les normes actuelles tout du moins, et surtout de par son engagement très personnel en faveur des pratiques et de la subculture BDSM.

Petite précision digressive à ce propos : jusqu'en 1994, la médecine et la psychiatrie associaient la pratique du SM à une maladie. C'est seulement à partir du DSM-IV que l'American Psychiatric Association prit la décision de modifier en « paraphilie » le terme de « perversion sexuelle » qui était jusqu'alors utilisé dans le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders; mais aussi de  tenir compte de la consensualité entre les deux partenaires. Ce qui permit d'arriver progressivement à la dernière évolution, qui date de 2000 (DSM-IV TR), et ne considère la pratique du sadomasochisme comme une perversion sexuelle que si l'un des deux partenaires l'a imposée à l'autre ET que cette pulsion, cette pratique ou  ces comportements sadomasochistes ont causé au partenaire non consentant une détresse avérée ou des difficultés interpersonnelles. Il est vrai que plusieurs procès avaient défrayé la chronique; avec pour mémoire le Spanner Case en Angleterre ou l'Affaire Koen Aurousseau en Belgique, où la Justice avait systématiquement refusé de prendre en compte l'aspect consenti des pratiques incriminées, en se drapant de toute sa dignité dans un Code Pénal très mal foutu. Depuis, des pays comme l'Allemagne ou le Danemark ont dépénalisé les pratiques SM. Nous n'en sommes pas encore à la reconnaissance de notre sexualité, mais il faut garder l'espoir que l'épopée des Droits des Homosexuels a ouvert la voie pour nous, les « affreux sadomasos ». Fin de la digression.

Mais parlons de l'ouvrage « Le sado-masochisme. Les artisans du fantasme », qui a été publié par les Éditions Garancière en 1984, avec en couverture une photo de Claude Alexandre. Il ne s'agit pas d'une fiction, mais d'une série d'interviews, menées par Jean Streff  auprès de ce qu'il était convenu d'appeler, à l'époque de la parution du livre, des « pervers sexuels ». Divisé en cinq chapitres : « Les manuels », « Les professionnelles », « Jeux de rôle », « Vivre l'imaginaire » et « L'amour, toujours l'amour », l'ouvrage offre au lecteur une véritable plongée dans l'intimité et l'imaginaire fantasmatique d'adeptes de tous bords : Maître et soumise, Dominatrice vénale ou non, couple de masochistes, homosexuels, soumis, soumise, etc. L'idée de base étant de lever un coin de voile sur les pratiques sadomasochistes et de démontrer tout ce qu'elles ont de complexe, de subversif et de libératoire. D'ailleurs, bien au centre du jeu, l'auteur place l'Amour avec un très grand « A », tel que chaque individu le rêve : infiniment personnel et merveilleusement supérieur à tous les autres sentiments humains. Les entretiens, remarquablement menés, pleins de tact et cependant redoutablement profonds, prouvent sans avoir l'air d'y toucher qu'il faut être généreux, courageux, créatif, plein de force et d'amour pour être à même de pratiquer le SM. Je cite Jean Streff dans sa présentation : « Mais le rêve est aussi par définition un leurre et la liberté une utopie. Alors qui sont donc ces êtres singuliers, ces bizarres, ces déviants, ces « pervers » qui s'octroient la réalisation du rêve et la liberté du plaisir ? ». Il le démontrera ensuite, tout au long de l'ouvrage, brillamment : ce sont tout simplement des artistes.

« Le Sado-masochisme. Les artisans du fantasme » de Jean Streff, aux Éditions Garancière - ISBN 2-7340-0072-5. [Merci au soumis c. qui me l'a prêté et à qui il faudra malheureusement bien que je le rende... Cool]