Zénobie, la mystérieuse de Léo Barthe Imprimer
Lectures érotiques - XXIè siècle
Écrit par Miriam   

 Zénobie, la mystérieuse - première de couverture

Un roman à la moitié du prix, avec, en première de couverture, une illustration d'Alix Gécèle Pasquier on ne peut plus explicite; voici - à première vue - Zénobie, la mystérieuse. Guère mystérieuse, toutefois, si l'on considère l'argument de départ : un graphiste recueille chez lui une jeune chienne de race humaine, etc. Depuis Circé la Magicienne, dans l'Odyssée d'Homère jusqu'à l'Ile du Docteur Moreau, de H.G. Wells, le scénario n'a cessé de fasciner, bien avant que Léo Barthe ne s'en empare.


Il faut parfois dépasser les simples apparences (et c'est d'ailleurs ce que le roman tente de démontrer). Ainsi, une lecture diagonale de la quatrième de couverture offre une clé intéressante : derrière Léo Barthe se cache Jacques Abeille, auteur prolifique à qui l'on doit, entre autres oeuvres, Camille et En mémoire morte. Rien ne s'oppose d'ailleurs à un peu de poésie, au gré d'une trouvaille, fût-elle contemporaine. Léo Barthe n'est pas le seul Barthe vivant à Bordeaux et porté sur les jeux sulfureux du cuir et de la corde. Mais c'est une autre histoire, très intime, qui n'a guère sa place ici.


Zénobie, à l'origine, est le nom d'une reine de Palmyre du 3ème siècle, dont l'ambition démesurée et la beauté sont restées légendaires. Dès lors, puisque Imre, le graphiste du roman, baptise sa chienne "Zénobie", il devient évident qu'il y a plus, dans ce "détail" que l'explication lapidaire de la page trente-sept ne le laisse finement entendre.


Et, de page en page, l'auteur nous donne à voir ce qu'il y a de plus - dans un récit fulgurant, poignant et magnifique; qui dépasse, et de loin, tout ce que j'ai jamais lu sur le sujet jusqu'à présent. Or, au-delà de ce que le récit donne à voir, dans une crudité parfaite, ce que l'on distingue est difficile à nommer, jusqu'à ce qu'il devienne absolument impossible de séparer fantasmes et sentiments. C'est dans la peinture de cette alchimie fragile et mystérieuse que Léo Barthe excelle, jusqu'à la chute, qui porte en l'occurrence fort bien son nom - d'une noirceur totale.


J'ai délibérément ralenti ma lecture, au fil de Zénobie, m'interrompant toutes les dix pages, afin de reprendre chaque paragraphe plusieurs fois. Ce roman m'a procuré une ivresse que jamais je n'avais ressentie, suivie d'un douloureux sentiment de dépossession. Sans avoir l'air d'y toucher, Léo Barthe mène son lecteur par la main (le bout du nez ?) jusqu'à ce que la suspension d'incrédulité ait balayé toute retenue. Une fois que le rêve s'est élevé dans l'éther, tel une bulle de savon, notre cruel auteur y met un terme brutal, qui n'est pas sans rappeler le "Retour à Roissy" de Pauline Réage. Mais il est infiniment pardonné, par le seul plaisir qu'il offre au travers de Zénobie; un plaisir sauvage et pur, c'est-à-dire débarrassé de toutes les scories humaines qui d'habitude le défigurent.


Zénobie, la mystérieuse est un roman très facile à trouver (neuf ou d'occasion). Et, en ce début de troisième millénaire, c'est également la preuve que le talent et la poésie ne sont pas morts. Je ne peux donc que le conseiller comme un classique incontournable qu'il faut estimer à sa très juste et très précieuse valeur.