La Verge bleue Imprimer
Contes érotiques
Écrit par Miriam   

[Pour M. - qui se reconnaîtra...]

Il était une fois un homme fort riche qui possédait tout ce que le luxe et l'opulence pouvaient offrir. Propriétés, terres, châteaux, or et argent; rien ne manquait à sa fortune. « En voilà un gros veinard », vous écrierez-vous, Chers Lecteurs. Mwouais. Ce serait sans compter sur la jalousie du monde, qui use plus d'énergie à médire sur l'herbe du voisin qu'à bichonner sa propre pelouse. Résultat : il n'y a que les stades de foot qui soient réellement au poil. Toujours est-il que malgré la montagne de fric sur laquelle il était assis, notre bonhomme n'était pas aussi heureux qu'on pourrait se le figurer.

D'abord, les sous, ça se mérite. Il ne faudrait pas croire, mais être riche et le rester, c'est un boulot à temps plus que plein.

Ensuite, c'était surtout que les candidates au mariage-jack-pot ne manquaient pas, vous vous en doutez un peu. Notre pauvre milliardaire en avait fait les frais à de nombreuses reprises, tant il est vrai qu'il était incapable de résister quand une pisseuse l'allumait : vous voyez d'ici le sac à embrouilles. Malheureusement pour lui, c'était uniquement après son fric que les candidates au mariage en avaient - comme de bien entendu.

Mais dès les papiers signés, finie la rigolade ! Ses cinq épouses successives lui avaient illico flanqué leurs avocats dans les pattes, non sans l'accuser au passage des pires turpitudes. Pas une de ses ex qui n'y soit allée, durant ses divorces ruineux, d'une petite déclaration fracassante sur sa vie privée. Au final, on lui avait collé le délicieux sobriquet de « la Verge bleue », car, lorsqu'il était excité, son pénis devenait tout bleu. Un trouble peu courant d'irrigation sanguine, d'après les toubibs. Pas vraiment dérangeant, d'ailleurs : la pression intracaverneuse supérieure à la moyenne lui garantissait de beaux exploits d'alcôve. Mais ça, les pétasses qui l'avaient épousé n'en parlaient jamais...

Il s'était finalement réfugié à Saint-Jean-Cap-Ferrat, après être sorti, à moitié neurasthénique, de sa dernière séparation d'avec une avocate flamande totalement cinglée; et il s'était juré que plus jamais aucune Gwendoline ne lui mettrait la bague au doigt (et encore moins la main au cul; puisque c'était toujours ainsi qu'il s'était fait avoir).

Mais après quelques jours de solitude et de branlette très sage devant sa télévision numérique, il dut se résoudre à répondre aux nombreuses invitations qui fusaient d'un peu partout. Ses « meilleurs amis » voulaient à tout prix lui changer les idées : comprenez que les pique-assiettes ne lui lâchaient jamais la grappe fort longtemps. Il dut donc se faire une raison et recommencer à organiser des soirées de Grand Gatsby dans sa somptueuse villa de bord de mer; soirées qui tournaient immanquablement à l'orgie réglée. Il se réveillait très régulièrement avec une gueule de  bois épouvantable et dans un lit trempé de foutre - lit qui, bien souvent, n'était même pas le sien. Splendeurs et misères des hommes d'affaires.

Le plus malheureux à dire, dans toute cette introduction, c'est que même ses amis l'appelaient « la Verge bleue » - ce qui donne une excellente idée du genre d'amis dont il s'agissait en réalité.

Un beau jour de la fin juin, une vieille rombière, la Comtessa di Qualcoso-Biduli, vint s'installer dans la propriété voisine. Ayant évidemment entendu parler des péripéties matrimoniales de la Verge bleue - et surtout des derniers résultats boursiers de ses sociétés d'investissement -, la Comtessa se mit en frais pour lui présenter ses deux filles, dans l'espoir à peine voilé de lui en coller une dans les bras. Il n'y a rien de pire que les nobles désargentés, vous pouvez me croire.

La vieille chouette avait copieusement briefé ses filles, surtout la cadette, Nicoletta, qui était toute convaincue des arguments maternels, selon lesquels, pour résumer,  il n'y avait « rien de plus important que le fric dans la vie ». L'aînée quant à elle, qui s'appelait Amadea, n'avait consenti à se joindre au complot que dans l'espoir secret que sa sœur comble la soif d'or de leur mère, qui était considérable et lui gâchait quotidiennement l'existence; en effet, Amadea se foutait de la thune comme d'un vulgaire string (elle qui d'ailleurs ne portait jamais aucun sous-vêtement, par principe).

La Verge bleue, qui était tout aussi à cheval sur les principes que la farouche Amadea, se fit un devoir de rendre la politesse à la Comtessa et la convia, ainsi que ses filles, à passer une petite semaine dans sa propriété. Pour éviter le tête-à-tête, qu'il voyait venir à trois kilomètres et dont il n'ignorait pas l'issue probable, la Verge bleue proposa aux filles d'inviter quelques copines et deux ou trois potes, histoire que la parité mec-nana soit plus ou moins respectée. Des fois, on est vachement mal inspiré... surtout après une longue série de divorces sordides.

Nicoletta, qui ne fréquentait que la jet-set, choisit parmi ses friends les plus idiotes et les plus plates qu'elle pût trouver, afin, par contraste, de paraître un peu moins conne qu'elle ne l'était réellement; mais surtout d'être la seule femelle à la ronde qui soit roulée comme un top-modèle. Enfin, la seule à l'exception d'Amadea, évidemment.

L'aînée, qui terminait en effet sa thèse de doctorat en littérature comparée et avait, au contraire de sa sœur, une plastique naturellement affolante (dont une croupe à faire flipper un Saint-Augustin), éclipsait toute rivale dans la nano-seconde. Il faut dire qu'Amadea, en plus de toute son intelligence et de toute sa noblesse morale, dégageait une quantité de phérormones sexuelles tout à fait monumentale : dès qu'elle apparaissait en société, elle foutait invariablement la gaule à tous les mecs présents. Et même à certaines nanas, c'est dire. Accompagnée d'Amadea, Nicoletta le savait pertinemment, elle passait à tous les coups pour une Bimbo décérébrée et siliconée. Ce qu'elle était bel et bien; c'est vache à constater, mais c'est ainsi.

Pour les potes qui avaient été triés sur le volet par Nicoletta, ce fut encore plus radical : la mode était alors à la Gay-tittude chez les hétéros (ce que les gays conspuaient avec la dernière énergie). L'on vit de ce fait débarquer, le jour de l'arrivée de la Comtessa et de ses deux filles, une bande de gamins imberbes et maquillés comme des girls du Crazy Horse. Ces pseudo-éphèbes, pour bien prouver « qu'ils en étaient », se roulaient des pelles en minaudant, affectaient une voix haut perchée et tortillaient du cul en se couvrant de ridicule.  Il s'en fallut de peu pour que Ramón, le majordome homosexuel que la Verge bleue avait engagé vingt ans auparavant, en pleine « chasse aux folles » des années SIDA, ne descendit de son bureau pour les noyer de ses propres mains dans la piscine. La Verge bleue passa deux heures, avant le dîner, à tenter de calmer son fidèle intendant, qui menaçait de « leurrr cacher touche la gweule ». Je vous l'ai dit, c'est dur la vie d'un milliardaire.

Tout le temps que dura la visite de la Comtessa, la bande de jet-setteurs n'en loupa aucune. La Verge bleue en eut des nuits blanches : ces crétins immatures boutèrent le feu à la Marina de Cannes en faisant du « jet-ski-d'artifice » à trois heures du matin; puis ils partirent fumer du crack dans un baraquement de la Sécurité Civile, avant d'être pris sur le fait par les hommes qui avaient été rappelés pour une alerte; ils improvisèrent ensuite une rave-party sur le Monument aux Morts de Villefranche; enfin Nicoletta et ses copines se mirent à poil, lors d'une Procession à Beaulieu-Sur-Mer. Pendant ce temps, Amadea, qui paraissait s'emmerder comme un rat mort, snobait obstinément tout le monde, à commencer par sa mère et sa sœur. Comme on le voit, c'était l'ambiance à bord.

Un soir qu'il avait fait conduire la bande de jeunes dans une boîte du bas quartier de Nice, et grassement payé trois gardes du corps pour qu'ils empêchent ces petits merdeux de sortir avant d'être étendus raide-saouls, la Verge bleue se mit en quatre pour qu'Amadea accepte de lui tenir compagnie au bord de la piscine, seul à seule. Il avait, comme bien des mâles avant lui, immédiatement succombé au charme phérormonoménal qui se dégageait d'elle. Le simple fait de la saluer, le matin - puis de contempler pendant trois secondes ses lèvres pulpeuses lui articuler un innocent « bonjour »-, le foudroyait sur place et lui donnait des érections fantasmagoriques. Par la suite, et c'était ce qui le rendait dingue, sa verge refusait obstinément de redescendre, pas même après qu'il ait appliqué dessus des sacs de glace, en désespoir de cause, mais sans rien obtenir d'autre que de se gercer les couilles.

Ils se rejoignirent au crépuscule et s'installèrent chacun d'un côté de la piscine, sans un mot. Durant plus d'une heure, ils restèrent étendus sur leur lit de repos respectif sans s'adresser la parole; lui contemplant les reflets de l'éclairage LED à la surface de l'eau; elle lisant un essai sur la vie et l'œuvre du poète Claude Le Petit - non sans s'observer l'un l'autre à la dérobée, en feignant d'être plongés dans leurs pensées. Finalement, ils levèrent le nez en même temps et se dévisagèrent tout à leur aise. Le silence devint assourdissant. Même les cigales et le piscine s'étaient tues. On aurait entendu un coup de foudre voler. Ce fut elle qui rompit l'attente.

- Toute cette histoire de Verge bleue, c'est un peu n'importe quoi, je trouve... Et puis finalement c'est quoi, votre vrai prénom ?

Il sourit tristement.

- Vous avez vraiment l'air de vous emmerder à dix écus de l'heure... constata-t-il avec dépit.

- Oh ! Vous savez, c'est juste histoire de mettre les enquiquineurs à bonne distance. Franchement, c'est sympa chez vous.

- Merci.

- Y a pas de quoi.

Ils se replongèrent dans leur contemplation réciproque. L'atmosphère devenait de plus en plus électrique.

Amadea acquiesça d'un coup de menton quasi imperceptible, lorsqu'un fin sourire étira subitement  le visage de la Verge bleue, qui venait seulement de capter la question détournée d'Amadea à propos de son surnom.

- Si ça peut vous faire plaisir... murmura-t-il, les yeux flamboyants dans la pénombre.

Elle se leva et marcha vers lui.

- Infiniment plaisir, j'en ai bien peur, admit-elle d'une voix sourde.

Il s'allongea sans se presser et, d'une main sûre et délicate, il déboutonna son pantalon de lin, fit glisser la fermeture éclair; puis, avec une lenteur calculée, il fit descendre l'étoffe le long de ses hanches, découvrant peu à peu sa taille, son ventre, l'orée noire de son pubis. Amadea s'était approchée encore et, la tête inclinée vers lui, elle contempla respectueusement le corps de son hôte, tandis que ses longs cheveux dénoués effleuraient les mains fines qui procédaient pour elle à ce troublant déshabillage.

- Vous êtes prête ? Demanda-t-il, tout de même drôlement intimidé, en plantant ses yeux dans les siens.

Elle retint son souffle et son cœur s'emballa. Jamais aucun milliardaire n'avait exhibé sa verge pour elle, fût-elle toute bleue. C'était pour Amadea une grande première et elle se demanda avec anxiété si cela seul expliquait l'émotion violente qui la saisissait, ou s'il y avait autre chose - autre chose... de bien pire. Elle n'eut pas l'occasion d'approfondir son analyse; la Verge bleue avait fini d'ôter son pantalon et croisé les mains sous sa nuque. À la lueur des spots de la piscine, Amadea put constater que la légende disait vrai : la Verge de son hôte était entièrement bleue, bien que de dimensions tout à fait normales et d'un aspect fort sain. Elle lui lança un regard hésitant. Il opina. Amadea s'enhardit alors, bien que ses genoux se soient soudain mis à trembler; elle tendit les doigts vers le sexe coloré, qui gonflait à vue d'œil, à mesure qu'elle-même était gagnée par les frissons. Brutalement, alors qu'elle allait toucher enfin à l'objet de sa curiosité, elle se ravisa.

- C'est vraiment pas une bonne idée, vous savez, dit-elle d'un ton qu'elle voulait ferme, mais qui chancelait dans les aigus.

Il n'eut pas l'air surpris. Il fit disparaître sa verge bleue dans son pantalon et se rajusta.

- Vous avez entièrement raison : je suis incorrigible. Je devrais pourtant mieux me tenir, après cinq mariages et cinq divorces...

- Non, non, tout est de ma faute ! Mais vous savez, vous n'avez rien à craindre; c'est mon imbécile de sœur qui cherche à vous mettre la corde au cou...

- Je tâcherai de m'en souvenir.

- D'ailleurs, quand on parle de la bécasse ! La voilà, cette conne... Soupira Amadea.

Ils s'éloignèrent à regret de la piscine et filèrent se coucher, avant que Nicoletta n'ait eu le temps de se joindre à eux.

Le lendemain, une grande réception devait avoir lieu : tout le gratin y serait, ainsi que le futur Roi, accompagné de sa jeune épouse. Dès l'aube, ce fut le branle-bas de combat. Le personnel de maison courait dans tous les sens; Ramón piquait des gueulantes toutes les trois minutes, en agitant ses cardex au nez des femmes de chambre; la Verge bleue lui-même, qui ne mesurait que trop l'honneur immense qu'il y avait à recevoir d'aussi prestigieux invités, vérifia tout, rampa dans les câbles de l'installation du DJ, contrôla chaque cageot de légumes qui entrait à la cuisine et testa quinze fois de suite le pH de la piscine. Je vous l'ai dit, c'était un maniaque pathologique. Enfin la réception débuta; tout se déroula parfaitement et la Verge bleue sentit l'énorme stress qui l'accablait depuis la veille se desserrer quelque peu.

Au moment du repas, alors qu'il venait de rendre hommage à la présence du Prince, et qu'il s'apprêtait à porter un toast à la santé des jeunes mariés, le regard de la Verge bleue tomba sur Amadea, dont la robe lie-de-vin toute simple, et néanmoins d'un goût exquis, contrastait avec les tenues arrogantes des autres femmes. Ce fut comme une révélation : pour la première fois de sa vie, il en était sûr, il était passionnément amoureux. Dans l'éblouissement érectile qui suivit, la Verge bleue perdit l'empire qu'il conservait habituellement sur lui-même et, d'une voix altérée, il s'adressa à la Comtessa :

- Signora di Qualcoso-Biduli, j'ai l'honneur de vous demander la main de Mademoiselle votre fille.

Un instant de stupeur passa, puis l'assistance se leva et, se tournant vers Nicoletta, qui feignait de rougir comme une collégienne, se mit à l'applaudir et à la congratuler. Lorsqu'il comprit l'affreux malentendu, le sang de la Verge bleue se figea dans ses veines - et dans son sexe. Il vit Amadea, devenue aussi blanche que la nappe, se lever de table et s'éloigner sans un regard pour lui. Ce fut comme un coup de massue : incapable de cracher toute l'horreur que lui inspirait Nicoletta, il dut subir sans broncher les félicitations chaleureuses du Prince et de la Princesse, ainsi que les larmes de joie de la Comtessa, qui se rengorgeait comme un crapaud. En moins de deux minutes, il se trouva totalement emberlificoté dans une situation cauchemardesque, que son sens moral hypertrophié lui interdisait formellement de fuir.

Dès le surlendemain, le mariage fut conclu. Une semaine se passa, en voyage de noces; voyage durant lequel, malgré l'insistance de sa jeune épouse, la Verge bleue refusa catégoriquement de consommer leur union. Pour finir, à bout d'arguments, cette petite salope lui flanqua une pilule d'Extaz dans son apéritif et en profita pour parvenir à ses fins.

Le septième jour, donc, et bien qu'il n'ait conservé aucun souvenir de sa mésaventure, la Verge bleue ne put que constater avec amertume qu'il avait malencontreusement baisé le gros tas de silicone qui lui tenait lieu de femme. Le mal étant fait; il dut dès lors honorer quotidiennement le lit conjugal de sa présence et consentir à tous les caprices de sa moitié, qui n'en finissait plus de vouloir l'affrioler en portant des oripeaux ridicules; mini-jupes en écossais synthétique, oreilles de lapin, bottes en faux léopard et autres bas auto-portants en résille rose fluo. Elle voulut qu'il l'enduise de beurre au chocolat et la lèche pendant des heures; puis qu'il porte un string à paillettes et se gomine les cheveux, pour jouer à John Travolta dans Saturday Sex Fever; et même qu'il se laisse stimuler la prostate, à l'aide d'un godemiché spécial « point G masculin ». Pour cette dernière lubie, je précise qu'il lui flanqua le gode à la figure et partit si fâché qu'il en faussa les gonds de la porte.

Son existence, en résumé, était devenue un véritable enfer. Il ne pouvait cependant cesser de se répéter qu'une parole donnée doit être rigoureusement tenue, quel que soit le prix qu'il en coûte. Je sais, c'est totalement con. Mais allez faire comprendre ça à un mec aussi braqué sur l'honneur.

Un matin qu'il était à bout de patience, la Verge bleue annonça à sa femme qu'il devait s'absenter plusieurs semaines, pour un voyage d'affaires à Dubaï. Il lui recommanda de faire venir ses amies, ses copains et sa sœur à la propriété de Saint-Jean-Cap-Ferrat et de l'y attendre jusqu'à son retour. Il lui fit une procuration sur son Amex Platinum, lui donna les clés et les codes d'accès de la villa et des garages où se trouvaient la Lamborghini et la Rolls, ainsi que le passe pour les chambres d'amis, le dressing-room et le coffre-fort qui contenait sa collection de bijoux et de montres.

- Amuse-toi bien, tu as carte blanche. Tu peux aller partout dans la villa, faire tout ce qui te plaira, voir qui tu voudras. Une seule chose, seulement : n'ouvre jamais la porte de gauche au fond de ma chambre, c'est celle qui mène à mon bureau. Tu m'as bien entendu : je T'INTERDIS d'entrer dans cette pièce, sous aucun prétexte. Si tu me désobéis, je te préviens, ça ira très mal ensuite.

- Je n'irai pas dans ton bureau mon amour, sois bien tranquille, promit Nicoletta d'une voix de midinette, non sans se jurer intérieurement d'y procéder à une fouille en règle dès qu'elle en aurait l'occasion.

La Verge bleue, après avoir dû subir une dernière partie de jambes en l'air avec elle, partit pour l'aéroport sans même prendre la peine de faire ses bagages : c'est dire s'il était pressé de ne plus voir sa gueule.

Nicoletta fut si prompte à inviter sa clique habituelle que, lorsqu'elle arriva à la propriété, tout le monde y était déjà et piaffait d'impatience. Il fallut tout d'abord faire les honneurs, ce qui déplut fort à la jeune mariée qui n'avait qu'une idée en tête : découvrir ce qu'il pouvait bien y avoir de planqué dans le bureau de la Verge bleue. Nicoletta n'eut pourtant pas le choix; il fallut faire visiter la propriété, les somptueuses chambres d'amis, décorées de tableaux de maître; le spa privé, dont les mosaïques restaurées venaient directement de fouilles à Ravenne; la salle de cinéma, au matériel de projection 3D dernier cri; la collection de bijoux Castellani et Giuliano; les meubles Renaissance; le jardin d'hiver et ses essences uniques au monde; et jusqu'aux ouvrages précieux de la bibliothèque, qui auraient appartenu à la Marquise de Pompadour en personne.

Les invités, verts de jalousie, ne cessèrent pas une seconde de répéter à Nicoletta qu'elle avait tiré le gros lot, et de lui faire mille questions sur la couleur véritable de la queue de son mari. Cela ne fit qu'exacerber l'insatisfaction grandissante de Nicoletta, qui était bien trop conne pour apprécier tout le raffinement qui l'entourait et ne pensait qu'à une chose : aller fouiner dans la pièce interdite, pour se prouver qu'elle menait bien son grand coincé de mari par le bout du nez (et accessoirement pas le bout de la queue, du moins le pensait-elle).

Elle planta tout le monde là et, cavalant à toutes jambes sur ses escarpins Versace, elle se précipita dans la chambre de la Verge bleue. Une fois devant la porte du bureau, elle s'immobilisa et fut prise d'un grand doute. S'il s'apercevait jamais de quelque chose, que se passerait-il ? Que se cachait-il derrière l'avertissement très flou qu'il lui avait fait ? N'était-ce pas un peu risqué de lui désobéir, finalement ? Toutefois sa curiosité fut la plus forte; vivement, elle déverrouilla la porte avec son passe.

Parvenue au bout du couloir d'accès, elle ne distingua rien. La pièce était plongée dans une obscurité totale et il lui fallut plusieurs secondes pour décider quoi faire. Pas à pas, elle explora les murs à tâtons, à la recherche d'un interrupteur. Ses mains frôlèrent du bois, puis une étoffe étrange, presque visqueuse. Un bruit de cintres la fit sursauter. Elle se cogna à ce qui lui sembla être un coin de table; déclenchant la chute d'objets métalliques qui firent un vacarme considérable en tombant par terre. Elle cria et se mordit les lèvres aussitôt. Son excitation était à son comble; elle s'amusait comme une gamine dans le train fantôme. Au moment où elle se penchait pour ramasser l'un des machins qui venaient de tomber, la voix d'une femme de chambre lui parvint du couloir :

- Madame  ? Madame ? Vous êtes là ? Monsieur vient d'arriver, il vous demande... Madame ?

Nicoletta se redressa, toute affolée, et le passe lui échappa. Elle tenta en vain de remettre la main dessus, tandis que la voix de la femme de chambre se rapprochait. Dès que la domestique fût parvenue au seuil de la chambre; Nicoletta, pour ne pas être découverte, sortit en trombe de la pièce secrète et referma la porte, se figurant, comme une bécasse qu'elle était, qu'elle aurait tout le loisir de revenir plus tard et d'y chercher son passe. Elle comprit trop tard que sans la clé, il lui serait bien évidemment impossible de rouvrir la porte...

La Verge bleue suivait la femme de chambre de très près et fit son entrée juste après elle. Il s'avança vers Nicoletta d'un air méfiant et lui dit :

- Tu es toute rouge, qu'est-ce qu'il y a ?

- Moi ? Rouge ? Mais non, je t'assure. C'est sûrement un coup de soleil... Oooh, mon chéri, que je suis contente que tu sois revenu si vite ! Que tu m'as manqué, mon petit mari d'amour ! Répondit Nicoletta en lui sautant au cou.

La femme de chambre sortit discrètement. La Verge bleue essaya alors de se débarrasser de sa femme; Nicoletta s'accrocha; ils titubèrent; elle se laissa tomber sur le lit; l'entraîna dans sa chute; puis entreprit de lui palper les couilles en gémissant comme un hamster.

- Nicoletta, arrête ça tout de suite. Tes invités t'attendent... arrête... mais ARRÊTE !!! S'emporta la Verge bleue, à qui les couinements de son épouse donnaient des sueurs froides.

Nicoletta cessa ses contorsions et se remit debout, affectant une mine de martyre.

- Bien, mon chéri. Je remonte alors.

- C'est ça, va les rejoindre; je prends une douche et j'arrive.

Il était infiniment soulagé de ne pas avoir à baiser cette petite salope une fois de plus. Il avait aperçu Amadea en arrivant, qui lisait sur la terrasse, et il en était encore tout retourné de désir et de culpabilité.

De son côté, Nicoletta, une fois dans le couloir, se remit à courir en serrant dans sa main le passe de la Verge bleue, qu'elle venait de chiper dans la poche de sa veste et qu'elle avait l'intention de faire copier, avant qu'il s'aperçoive qu'elle lui avait désobéi. Elle cavala aussi vite qu'elle le put et, en chemin, croisa Amadea qui regagnait sa chambre.

- Oh ! Dea ! Je t'en prie, il faut que tu m'aides ! Supplia-t-elle en pleurnichant.

Amadea, dont le sens de l'honneur ne devait rien à celui de la Verge bleue, et bien qu'elle détestât cordialement sa sœur, la fit entrer chez elle.

- C'est quoi le problème ? Qu'est-ce qui t'arrive ?

- J'ai perdu mon passe... il faut faire fabriquer un double d'urgence ! Mais surtout, que personne n'en sache rien ! Appelle un serrurier... fais-le entrer ici en secret ! Je t'en prie, je t'en prie, je t'en prie, Dea, c'est une question de vie ou de mort !

Amadea la considéra d'un air glacial.

- Ouais, je vois le topo. T'as encore fait des conneries et c'est moi qui dois tout arranger, comme d'habitude.

- Dea ! Tu es ma sœur ! Tu ne peux pas me laisser tomber ! S'indigna Nicoletta, en lui fourrant le passe de la Verge bleue dans les mains.

Amadea se fit douloureusement violence. Depuis le mariage de cette petite imbécile, elle n'avait plus goût à rien. Elle était, à son grand désarroi, de plus en plus amoureuse de la Verge bleue. Son séjour chez eux se muait donc petit à petit en une torture perpétuelle. Elle empocha le passe, congédia sa sœur et fit venir un serrurier, qui prit la commande au fond du jardin, sans être aperçu de quiconque; puis repartit sur les chapeaux de roue, en promettant d'être de retour dans les deux heures au plus tard.

Lorsque le soleil se coucha, le serrurier n'était toujours pas revenu. Nicoletta était proche de l'hystérie : la Verge bleue, s'apercevant de la perte de son passe, lui avait réclamé le sien peu après le repas et elle ne savait plus quelle excuse inventer pour remettre sa demande à plus tard. Amadea, qui se réjouissait secrètement de la merde noire dans laquelle se trouvait sa sœur, s'était assise au bord de la piscine et baignait nonchalamment ses pieds nus dans l'eau.

La Verge bleue oublia son passe pendant un très long moment, tant il était hypnotisé par le jeu de reflets sur les chevilles et les orteils d'Amadea, qui possédait les pieds les plus sexuels qui fussent au monde. Il songea avec délices à la texture et à la cambrure qu'ils auraient, dans sa main qui les tiendrait fermement, à mesure qu'il écarterait les jambes d'Amadea; il découvrirait ensuite sa vulve veloutée, ourlée de pourpre, palpitante et luisante d'excitation; puis, en la maintenant toujours ainsi, indécemment offerte, il saurait enfin quelle expérience merveilleuse ce serait, de sentir ses voûtes plantaires se contracter brièvement, tandis qu'il enfoncerait avec tendresse sa verge bleue et fantastiquement bandée dans son fourreau satiné de sirène. Il en était là, lorsque, par association d'idées, il en vint à se souvenir qu'il aurait bien fait un petit tour dans son bureau. Il sortit de sa rêverie et s'adressa brusquement à Nicoletta.

- Et alors, ce passe ? Tu vas le chercher, oui ou non ?

- Euh... mais oui mon chéri ! J'y vais... j'y vais tout de suite ! Tu viens, Amadea ? J'ai un cadeau pour toi dans ma chambre.

Amadea, qui n'était pas dupe, se leva et suivit sa sœur, non sans couler au passage un regard désespéré à la Verge bleue, qui fit semblant de ne rien remarquer.

Une fois dans sa chambre, Nicoletta se jeta sur son lit et se mit à faire des sauts de chèvre, en tapant des poings dans les oreillers et en poussant de petits cris de gamine en pleine crise de nerfs. Amadea la regarda avec un dégoût immense.

- Mais quel cirque ! Songea-t-elle, tandis qu'une rage épouvantable lui nouait la gorge.

- Où il est, cet abruti de serrurier, hiiiiiii ?! MAIS OÙ IL EST ???!!! Gueula Nicoletta, livide d'humiliation et de trouille à l'idée d'être prise en faute par son mari.

À cet instant, on tambourina violemment à la porte.

- C'est quoi ce boucan ? Qu'est-ce qu'elle a ? Amadea, tu es avec elle ? Ouvrez ! OUVREZ ! ET QU'AS-TU FAIT DE MON PASSE, ESPÈCE DE CONNE ?! Tonitrua la Verge bleue d'une voix très menaçante, qu'il n'avait jamais eue auparavant.

- Un moment ! On arrive ! Ce n'est rien, juste un petit malaise... Répondit froidement Amadea, qui avait saisi le combiné de téléphone et formait à toute vitesse le numéro du serrurier.

Nicoletta, toujours consciencieusement en pleurs, s'était blottie à la tête du lit; où elle peaufinait avec soin son rôle de victime de l'injustice humaine. Amadea lui aurait bien collé une droite, pour lui donner de vraies raisons de chialer. Après quelques tonalités, Amadea tomba sur un répondeur. Elle raccrocha.

- Pas là, commenta-t-elle avec un certain cynisme.

- Mais essaie encore ! Oh ! Mondieumondieumondieu ! Sanglota Nicoletta.

Amadea appuya sur la touche de rappel. Le répondeur se remit en route dès la première sonnerie.

- Rien à faire.

- NICOLETTA ! OUVRE CETTE PORTE IMMÉDIATEMENT ! C'EST UN ORDRE !!! Vociférait la Verge bleue en tapant comme un furieux sur le panneau, qui tremblait comme une feuille de gélatine.

Nicoletta, prise de frénésie, arracha le téléphone des mains de sa sœur :

- Oh ! Et donne-moi ce putain de téléphone, espèce de connasse ! Tu n'es bonne qu'à tes trucs d'intello à la con, aussi !

Amadea s'écarta d'elle, avant de lui fracasser le crâne. Elle sortit sur la terrasse et respira l'air embaumé de la nuit, en s'efforçant de rester calme. Depuis le balcon, par-dessus lequel elle s'était penchée pour regarder la piscine qui luisait dans le noir, Amadea continuait d'entendre les cris de la Verge bleue, qui lui envoyaient de longues et délicieuses décharges de plaisir dans les bras et les jambes.

La voix de Nicoletta, sincèrement angoissée désormais, s'éleva de la chambre.

- Dea ! Tu vois quelque chose ?

- Hanhan ! Y a que la piscine qui clapote et les cigales qui chuchotent, répondit Amadea en rigolant méchamment.

- Hein ? Quoi ?! Dea, je t'en supplie, il arrive, dis ?!

- Mais non, puisque je te dis qu'il n'y a personne...

- OUVRE CETTE PORTE ESPÈCE DE SALE PETITE CONNE !!! TU Y ES ENTRÉE, HEIN ? JE LE SAIS, QUE TU Y ES ENTRÉE !!! TU M'AS DÉSOBÉI, AVOUE, SALOPE !!!

- Mon chéri, calme-toi, j'arrive dans un moment. J'ai eu un petit étourdissement, ce n'est rien, ça va passer, dit Nicoletta d'une voix terrorisée. Puis, se tournant vers la fenêtre, elle murmura : « Dea, pour l'amour du ciel, il est là ? ».

- Il y a des phares, constata Dea, parfaitement factuelle.

- C'est lui ?!  C'est lui ? Tu le vois ?

- OUVRE ! OU JE VAIS DÉMOLIR LA PORTE !

- Non, c'est juste un taxi, sorry.

- Oh Dea ! Je t'en prie ! Il va me tuer !

- TU L'AURAS VOULU, JE VAIS TOUT CASSER... Menaça la Verge bleue, avant d'abattre un grand coup de hache dans le montant de la porte.

Amadea sursauta. Tout de même, il n'y allait pas de main-morte ! C'était un peu too much, ce remake de la scène-clé dans Shining...

- Ah ! Je crois que le voilà ! S'écria Amadea en apercevant une camionnette brinquebalante qui se garait le long de l'enceinte de la propriété.

- Oui, c'est lui ! Bégaya Nicoletta, qui avait rejoint sa sœur sur la terrasse en claquant des dents de panique. Fonce, Dea ! Vite ! Va chercher les passes !

- Va chercher les passes, va chercher les passes... Oh ! Je suis pas ton chien non plus, hein ! Et puis d'ailleurs, comment veux-tu que j'y aille ?! On est enfermées ici, je te signale. Et il y a ton mari qui s'apprête à nous déchiqueter à coup de hache. Génial, ton plan, Nicol...

Elles n'eurent pas le temps de s'engueuler plus avant. La porte finit par voler en éclats et la Verge bleue, les poings serrés, les yeux exhorbités, couvert d'échardes et de sueur, fit irruption dans la chambre et se précipita sur Nicoletta. Il l'empoigna rudement par le coude et, la secouant comme un prunier, il déclara :

- Bon, fini de rigoler, maintenant ! Tu viens avec moi ! J'ai deux mots à te dire !

Et ils disparurent dans le couloir, sans qu'Amedea ait pu réagir. Elle se rua vers le jardin, en direction du serrurier qui lui faisait de grands gestes de la main. Elle parvint au mur d'enceinte totalement hors d'haleine.

- Ah hé ben, on peut dire que j'ai passé une belle après-midi, grâce à vous ! Commença le brave homme d'un air soucieux.

- Je vous demande pardon ? Ahana-t-elle, à bout de souffle.

- Sauf votre respect, ma p'tite Demoiselle, si vous ne m'aviez pas donné tout ce fric d'avance, je ne me serais pas esquinté ainsi pour rien. Parce que vous savez, comme disait mon tonton : « à l'impossible, nul n'est tenu » ! Et cette clé, justement, c'est impossible d'en faire un double ! C'est un modèle de sécurité unique, il faut une autorisation spéciale du Ministère... et puis cet alliage, ma foi, je n'en ai jamais vu de pareil ! Désolé, fit-il avec un sourire penaud en lui tendant le passe et une grosse liasse de billets.

Amadea, terriblement inquiète du silence de mort qui régnait soudain dans la propriété, prit le passe et repoussa les billets.

- Gardez l'argent, vous l'avez bien mérité, Monsieur, dit-elle en le plantant là avec les sous, complètement abasourdi.

Elle se hâta de retourner à la villa. Elle y trouva la Verge bleue et Nicoletta dans leur chambre à coucher; lui debout, le visage contracté de colère; et elle assise sur le lit, blanche comme un cachet d'aspirine. Au fond de la pièce, une porte entrebâillée jetait un rai de clarté sur le tapis persan pur soie. Lorsqu'elle entra dans la chambre, la Verge bleue se tourna vers Amadea.

- Enfin !

Elle le considéra avec étonnement. Puis, un sourire sadique aux lèvres, elle tendit le passe à sa sœur.

- Le voilà, dit-elle froidement.

Nicoletta resta immobile. Elle semblait avoir pris vingt ans d'un seul coup, avec son maquillage à-demi bousillé et sa mise-en-pli complètement nase. Il n'y a pas à dire, le naturel, y a que ça de vrai...

- C'est trop tard, balbutia Nicoletta, il... il...

- Il sait ! Tonna la Verge bleue.

- Mais il sait quoi, à la fin ? Je n'y comprends rien à votre histoire de passes, moi ! S'énerva Amadea.

La Verge bleue, s'étant approché d'elle, lui prit doucement la main et la mena vers la porte entrouverte.

- Regarde...

Amadea entra dans son bureau. La pièce était petite, basse de plafond et très mal éclairée. Aux murs, des photos de femmes ligotées mettaient des taches d'ombre. Dans un coin, un rail à vêtements supportait des tenues noires, emballées dans des housses de plastique transparent. Il y avait une table en plein milieu, où s'empilaient des sections de bambou, des cordes soigneusement enroulées, des mousquetons d'acier poli par l'usure, des barres d'inox de différentes tailles et tout un fatras d'accessoires dont Amadea ignorait jusqu'au nom. Elle sourit.

- Quoi ? C'est pour ça que vous faites tout ce grabuge ?!

- Je déteste qu'on fouine dans mes affaires, dit la Verge bleue; et ta pétasse de sœur n'avait rien à foutre ici.

- Ce n'est pas une raison pour délirer comme Jack Torrence.

- Ah non !? Elle a bien essayé de me droguer; je ne vois pas pourquoi je me gênerais...

- Quoi ?!

- Elle a mis du MD dans mon dix ans d'âge; j'ai les analyses toxicologiques depuis hier soir. C'est pour ça que je suis revenu : dès que j'ai été sûr, j'ai mis mes avocats sur le coup. Je veux divorcer. Et tout de suite encore.

- Divorcer ? Mais...

La Verge bleue l'attira à lui.

- Je te demande pardon.

Elle déglutit. Elle aurait voulu protester, mais les mots s'étaient comme bloqués dans sa gorge.

- Je te demande pardon, s'il-te-plaît, insista-t-il gentiment.

Elle baissa les yeux.

- Pas la peine, articula-t-elle avec difficulté.

Lorsqu'ils revinrent dans la chambre à coucher, très émus tous les deux, Nicoletta s'était volatilisée.

Ils se regardèrent, extatiques.

Puis la Verge bleue se déshabilla. À l'aide d'un couteau à cran d'arrêt, il lacéra minutieusement la robe du soir d'Amadea; il la guida jusqu'au lit, l'y fit mettre à quatre pattes, dos à la fenêtre grande ouverte, sa croupe sculpturale levée vers les cieux brasillant d'étoiles. Il contempla avec ravissement ce chef-d'œuvre de sensualité brute qui ornerait désormais sa couche jusqu'à la fin des temps.

Ses yeux errèrent, déments, passionnés, sur le corps d'Amadea. Le galbe de ses hanches, vertigineusement arrondi, s'étrécissait naturellement vers la taille, d'une finesse de liane; tandis que ses épaules, subtilement musclées, se contractaient par instants, dans l'attente de ce qu'il allait faire. Il posa tout d'abord ses mains sur l'arrière de ses cuisses; il en palpa le rebondi soyeux; puis, du bout des doigts, il remonta vers ses fesses, y glissa, s'y pencha, y posa la bouche, et enfin, dardant la langue, il en lécha très lentement le sillon, humant l'odeur musquée qui acheva de durcir sa Verge bleue, dont la teinte avait toutes les nuances de la Méditerranée, qu'ils entendaient battre, au loin.

- Ton cul... ton cul... S'émerveilla la Verge bleue.

- Ta verge, si bleue, si calme... Poursuivit Amadea, souriant de son bon mot; amusée et bouleversée tout à la fois.

Alors, abandonnant pour toujours ses fumeux principes de rigueur morale, la Verge bleue, d'un mouvement du bassin souple et plein de tendresse, sodomisa la belle Amadea; et il resta en elle, longtemps, durement, amoureusement; il resta en elle jusqu'à ce que l'aube vînt les surprendre, dans les bras l'un de l'autre; il resta en elle jusqu'à ce qu'ils s'endorment, épuisés par cette nuit de non-noces, si digne du plus indécent des contes de fées.