La Nuit sera chienne de Max Genève Imprimer
Lectures érotiques - XXè siècle
Écrit par Miriam   

La Nuit sera chienne de Max Genève C'est dans un antre de perdition terrible, à savoir la boutique Harmonia Mundi d'Arles, que La nuit sera chienne s'invita soudainement dans ma bibliothèque, le 16 juillet 2008 à 16 heures 09 précises. Il serait délicat de préciser le contexte de l'achat (se montant à cinq euros et quarante centimes très exactement) sans donner à voir des pans de ma privacy que je souhaite absolument garder pour moi. Toujours est-il que c'est en compagnie de Fritz Lang, de Nagasi Oshima et de Pierre Louÿs, entre autres acquisitions, que je sortis d'un endroit que je crains autant que je l'adore : entre le rayon musique ancienne et la littérature érotique, je n'ai bien entendu aucune chance de m'en tirer indemne, lorsque j'ai la faiblesse de céder aux chants de sirène de ce monument de l'édition musicale et littéraire.

 

Max Genève, tout d'abord, qui bat le pavillon Zulma depuis 1995 et s'amuse à batifoler dans divers genres - et dont la production érotique ne passe guère inaperçue. Né à Mulhouse en 1945, ce sociologue de formation a publié à ce jour une vingtaine de romans. Voilà pour la présentation de l'auteur, un peu courte il est vrai, mais c'est davantage de l'oeuvre dont je voudrais parler.


Car La nuit sera chienne est un joyau à plus d'un titre. Et en parlant de titre, je dois tout d'abord souligner que celui-là est une réussite parfaite; mystérieux et limpide, donnant le « la » dès la couverture, et se déployant à mesure que le roman progresse. Mais ce n'est pas tout. Non content de nous offrir cette adorable prédiction météo, Max Genève s'en donne par-dessus la plume, dès l'apparition du principal protagoniste : Baptiste-Marie Bon. Avec une jubilation non dissimulée, l'auteur sautille de calembours en polysémies et sa belle humeur est excessivement contagieuse. Preuve, s'il en était besoin, que l'on peut faire de la littérature érotique rieuse et légère sans sombrer dans la gauloiserie ou dans les lieux communs. C'est toujours avec une indulgence candide que l'on suit Baptiste-Marie dans son initiation aux plaisirs de l'Éros, bien que le chemin qu'il emprunte soit semé d'embûches et fort loin de le garantir de redoutables faux-pas. Venons-en à la quatrième de couverture, dès lors, et plantons le récit.


Baptiste-Marie Bon, jeune homme de 18 ans, né à Bergerac, débarque un beau jour à Paris pour y faire sa médecine et la fierté de ses dignes parents, pharmaciens de leur état. Tout à ses projets de succès universitaires, Baptiste-Marie semble fort peu disposé à goûter aux joies de l'alcôve. Il se trouve pourtant vite embarqué dans une série d'aventures rocambolesques, car la nature l'a doté de proportions très avantageuses qui ne passent pas longtemps inaperçues. Voguant de quiproquos en surprises, Baptiste-Marie se découvre rapidement une soif insoupçonnée pour les ébats amoureux, après être tombé brutalement amoureux de sa voisine, une déesse nommée Déa, qui officie en tant que professionnelle à l'Inferno, un bar porno spécialisé dans les spectacles live.


Il y a, dans le récit des pérégrinations de « BMB », toute la verve de Cyrano et toute l'inventivité de Scapin, non sans quelques « touches très touchantes » de sensibilité pleine de réserve, malgré les rebondissements hautement pornographiques dont le roman regorge (c'est le cas de le dire...)


Pour terminer, la chute, très improbable et d'autant plus précieuse, laisse sur la langue du lecteur un parfum envoûtant de baiser d'amoureux : c'est dru, c'est vert et néanmoins d'une tendresse indescriptible. En un mot comme en 136 pages, c'est une longue nuit chienne, chimérique et chavirante, qu'on ne se lasse pas de revivre, une fois qu'on la parcourue. La nuit sera chienne, aux Éditions Zulma, ISBN 978-2-266-17957-7.