Lectures érotiques - Varia
Érotique et civilisation de René Nelli Imprimer
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Écrit par Miriam   
Érotique et civilisations de René Nelli Depuis la création du site en 2003, j'ai toujours tâché de ne pas me compromettre dans les draps de la psychanalyse et tout ce qui, de près ou de loin, se rattache à Freud et à ses disciples a toujours été soigneusement vilipendé ici. Mais enfin, psychanalystes ou pas, certains défenseurs du « grand chef » ne se fendent pas toujours d'imbécilités / de monstruosités / de démences. Il arrive même parfois qu'à les lire, je tombe partiellement d'accord avec eux, tout du moins sur les éléments qui n'ont pas beaucoup à voir avec la psychanalyse - psychanalyse dont, je le répète, je refuse ABSOLUMENT toutes les thèses; et SURTOUT les révoltantes étiquettes. Je suis une behaviouriste pure et dure, on l'aura compris.

Cependant, pour prendre un exemple mondialement connu, ce n'est pas parce que Peppone était communiste et Don Camillo prêtre catholique qu'ils ne dialoguaient pas. Bien au contraire (même si c'était souvent à coups de poings). J'ai donc décidé d'inclure désormais dans mes articles, au nom de la cohérence et de l'honnêteté intellectuelle, certains ouvrages qui font la part belle à la « grille d'analyse » psychanalytique. Dans la mesure, toutefois, où cette belle part laisse un peu de place au reste.

Commençons par René Nelli, auteur de l'essai « Érotique et civilisations ». Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas Monsieur Nelli, il faut savoir que cet historien et philosophe français est né en 1906 et mort en 1982 à Carcassonne. René Nelli était l'éminence grise du Catharisme, à la suite de Déodat Roché. Un an avant sa mort, il avait d'ailleurs fondé le Centre National d'Études Cathares et est l'auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, qui font encore référence aujourd'hui. En tant que spécialiste de la culture occitane du Moyen Âge, il a également participé très activement à sa redécouverte et au regain d'intérêt pour cette période de l'histoire (notamment au travers de ses recherches sur l'amour courtois).

« Érotique et civilisations », donc. Publié en 1972 par la Librairie Weber (Collection Terra Universalis), l'essai tente de retracer la façon dont « l'imagerie symbolique de l'amour » a évolué au fil des civilisations. Vaste entreprise, à laquelle nul ne peut prétendre s'atteler sans être parfaitement sûr d'échouer. Mais nous sommes dans le domaine de la philosophie, où finalement ce n'est pas tant le résultat de la recherche qui compte, mais les hypothèses de départ. Les autres sciences humaines venant à la rescousse par après. Nelli s'interroge : comment être sûr que notre civilisation actuelle n'est pas en état de décadence par rapport à la précédente ? L'évolution de l'érotisme va-t-elle dans le « bon sens » ? Grave interrogation s'il en est (d'autant plus qu'en 1972, la remise en question était particulièrement violente en Europe et aux États-Unis). Pour lui, les choses sont très simples : il est inéluctable que la libération de la femme et du plaisir détrône le système patriarcal et répressif qui existait jusque-là. Je le cite : « A moins de bouleversements que nous imaginons mal et qui entraîneraient l'abolition de toute civilisation humaniste, peut-on penser, par exemple, que la femme actuelle coure sérieusement le risque de perdre à nouveau sa liberté ? Et, à supposer qu'elle puisse la perdre (il n'est malheureusement pas exclu qu'une caste militaire ou une race « hégémonique » ne triomphe un jour de la civilisation et ne réduise en esclavage tout son sexe, et les vaincus), est-il concevable que les changements qu'elle a subis dans sa sensibilité, et même dans la forme de son corps, viennent à s'annuler ? ». Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais en ce qui me concerne, en 2011, la réponse ne fait aucun doute. Par contre, elle fait froid dans le dos.

René Nelli, lui, et dont le postulat se veut résolument optimiste, va ensuite s'embarquer dans une savante démonstration : malgré quelques « retours en arrière » malheureux, la civilisation marche vers le progrès, pour les femmes, en ce qu'il réconcilie les sexes entre eux et tend à une harmonisation et une réciprocité de bon aloi. Il s'indigne contre certaines pratiques barbares, dont l'excision des filles et clame haut et fort, je le cite à nouveau : « l'intérêt bien compris des femmes, par exemple, serait de se refuser énergiquement à tous les représentants d'une nation qui encourage ou tolère l'excision du clitoris, au lieu de se donner au contraire à eux, par principe, ou par ordre, pour bien montrer qu'elles ne sont point « racistes ». Elles ont raison, certes, de n'être pas racistes, mais elle ont tort de ne pas flétrir énergiquement les coupeurs de clitoris et les mutilateurs. » Allez prétendre publier un machin pareil en 2011... Pour la petite anecdote, j'ai eu, il n'y a pas si longtemps, une conversation surréaliste avec une assistante sociale très soucieuse « d'accompagner en douceur » le « changement non traumatique » chez les « ethnies culturellement différentes des populations occidentales » qu'il ne fallait surtout pas « culpabiliser » ni « heurter dans leur appartenance » en leur interdisant clair et net de mutiler leurs gamines. Sans commentaire, mais avec cinq fois [sic] après les guillemets, ndlr.

En tant qu'hermétiste, René Nelli se penche également sur l'approche taoïste à propos de l'érotisme et procède à une analyse dualiste et temporelle de la notion de plaisir, de laquelle il tire un éloge du rythme et de l'harmonie. Les analogies musicales sont évidentes. Ce sont les chapitres qui m'ont le plus intéressée, je l'admets, car les considérations de l'auteur sur le « vagin denté », le « pénis capturé » et autres réflexions opaques sur les « clitoridiennes » et les « vaginales » étaient interminablement stériles, à mes yeux. Psychanalyse, quand tu les tiens...

Malgré tout cela, ou plutôt grâce à tout cela sans doute (soyons honnête), René Nelli conclut son essai par une description visionnaire de ce que la civilisation deviendra, quatre décennies après mai '68, tant dans le domaine du mariage (qui ne tient encore debout qu'à force d'inertie) que dans celui de la sexualité (les tendances sado-masochistes à l'état pur se renforçant mystérieusement dès qu'un certain équilibre égalitaire s'établirait entre les deux sexes). Bien que je ne sois pas d'accord avec sa grille d'analyse psychanalytique, je dois constater que René Nelli avait raison sur bien des points actuels, avec presque 40 ans d'avance sur l'histoire. Mais l'histoire ne se répète-t-elle pas ?... Les historiens comme René Nelli sont bien placés pour le savoir.

« Érotique et civilisations », paru chez Weber, collection Terra Universalis, Paris, 1972.
 
Petit traité de l'érotisme par Michel Dorais Imprimer
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Écrit par Miriam   
Petit traité de l'érotisme de Michel DoraisNé en 1954 à Québec, Michel Dorais est actuellement professeur titulaire et chercheur à la Faculté des sciences sociales de l'Université Laval à Québec. Il est également l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages sur la sexualité et directeur de la collection Sexualités et Sociétés chez VLB Éditeur. Ce travailleur social de formation a été en outre l'un des pionniers dans l'aide aux jeunes personnes prostituées (filles ou garçons), aux jeunes gays et lesbiennes victimes d'agressions sexuelles, mais aussi dans la prévention du Sida et dans le combat contre l'intolérance envers les personnes de « diversité sexuelle ». Il a reçu en 2001 le Diplôme de l’Amicale gay et lesbienne autonome des enseignants (Aglae) et le Prix Arc-en-Ciel en 2003.

Il sait donc parfaitement de quoi il parle, et il en parle d'ailleurs fort bien. J'invite les curieux à lire son interview au sujet du Petit traité de l'érotisme dont il sera question aujourd'hui.

Mais ce Petit traité, qu'en est-il exactement ? C'est un essai, et un essai court : 116 pages en tout. La patte pédagogique de l'auteur est présente de la première à la dernière ligne; le professionnalisme universitaire et l'excellence québécoise s'y reconnaissent entre mille, « comme d'habitude », serais-je tentée d'ajouter - avec énormément d'admiration. Il est vrai que les méthodes d'enseignement, là-bas, ont quarante ans d'avance sur les nôtres. Mais l'expérience d'un vrai travail social de terrain est également très tangible, entre les lignes, et c'est sans doute ce qui couronne réellement ce magnifique essai.

Ce que j'ai particulièrement apprécié, tout au long de l'ouvrage, c'est la recontextualisation soigneuse du sujet : l'érotisme, argue Michel Dorais, est certes une composante universelle dans l'humanité, mais il n'en demeure pas moins une expression unique, dans chaque individu, quel que soit son sexe et quel que soit son genre. Sous une apparence de grande généralité et de vulgarisation « grand public », l'auteur ne s'embourbe jamais dans les réductions faciles ou dans la simplification à outrance. Volontairement accessible à tout un chacun, mais jamais médiocre, le Petit traité de l'érotisme est ancré dans la société d'aujourd'hui : multiculturelle, globalisante et toute empreinte d'immédiateté et de virtualité.

Aucun ostracisme, donc, aucune étiquette infamante : tout est question de personne, de contexte socio-culturel, d'expérience et de biologie. Mais il y a mieux : Michel Dorais souligne très justement l'aspect mouvant de l'érotisme dans chaque individu; il ne sera question ni de normalité ni d'anormalité, ni de perversion ni de thérapie, ni même d'une quelconque recette. Tout au plus l'auteur donnera-t-il, avec beaucoup d'à-propos et d'habileté, ses propres définitions de l'érotisme, de la pornographie, de l'obscénité et de la grivoiserie, sans tomber dans l'écueil des jugements de valeur. Une véritable approche scientifique, donc, au sens sociologique du terme : du pur plaisir de lecture.

Je décerne une mention toute spéciale au chapitre 5, où il est question de complémentarité, présentée comme un processus sans fin, et qui ouvre une perspective d'un humanisme très vivifiant, tout en replaçant l'individu au cœur même de sa vie et de ses choix de vie. Michel Dorais invite en effet le lecteur à se remettre en question et à évoluer, au lieu de s'enfermer dans des stéréotypes sans même être conscient de ce qui lui arrive. Rien que du meilleur, écrivais-je, et richement illustré de magnifiques illustrations de Christian Séguin. Que demander de plus ? L'ISBN ? Le voici : 978-2-89649-054-7. C'est chez VLB Éditeurs, paru en 2010. 
 
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