Lectures érotiques - Varia
Le Livre des fantasmes de Brett Kahr Imprimer
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Écrit par Miriam   
Le Livre des fantasmes de Brett Kahr Voici venir, au fil de la pile des ouvrages en souffrance, un truc totalement improbable que j'ai acheté je ne sais plus où et je ne sais plus quand. Mais vu la strate, relativement basse, c'était il y a un certain temps déjà. Probablement chez mon receleur habituel. Dans une fourchette de prix relativement haute. Vraisemblablement guidée par les jolies mains de la première de couverture (une photo de chez Getty Images). Mais qu'importe ? C'est un ouvrage inclassable. Et il est écrit par un psychanalyste.

J'ai prévenu que j'allais faire une petite place à la discipline honnie, au nom de l'honnêteté intellectuelle. On voit que je tiens parole. Brett Kahr est donc psychothérapeute et psychanalyste. C'est une sommité dans son domaine au Royaume-Uni. Brett Kahr se consacre - outre son cabinet-, à la recherche (Centre for Child Mental Health de Londres); à l'enseignement (School of Arts de l'Université de Roehampton) ou à l'écriture (il est l'auteur de plusieurs ouvrages). En tant que référence, il apparait régulièrement à la télévision et dans les média. C'est également un compositeur et un musicien. Mais mon propos c'est de parler de son travail de chercheur en sciences sociales, car c'est de cela dont il s'agit, dans ce fameux « Livre des fantasmes ».

Le projet, c'est ni plus ni moins de mener à bien la plus vaste enquête jamais entreprise depuis Kinsey et d'obtenir des données chiffrées et scientifiquement exactes à propos des fantasmes de la population. Population britannique, précisé-je : tout de même, Brett Kahr ne s'embarque pas dans un projet « trop » pharaonique. Or les enquêtes et les sondages sont un de mes grands dadas. Je l'attendais donc au tournant, avec son postulat de départ que les fantasmes seraient directement liés aux traumatismes de l'enfance.

Je n'eus pas l'occasion de m'emporter ni de fulminer. Dès la première page, je tombai de ma chaise. Car Brett Kahr, tout psychanalyste qu'il est, et de ce fait tout pétri de Freud et de sa sainte trinité du « ça-surmoi-moi », est remarquablement compréhensible. Il ne jargonne pas. Il ne s'embarque dans aucune dissertation opaque et au lexique indéchiffrable. Sa prose est claire, concise, émaillée d'exemples concrets - et même d'humour ! D'humour ?! Chez un psychanalyste ???!!! J'admets avoir le bec cloué, net et sans bavure.

La suite me le décloue, et je me retrouve comme les personnages de Tex Avery, la mâchoire grande ouverte et la langue déroulée. Les fantasmes qu'il a récoltés, chez des vanille tout ce qu'il y a de plus standard, n'ayant ni passé psychiatrique ni difficulté mentale particulière, sont sidérants de pornographie, de déviances et de perversions. Je suis totalement scotchée. BDSM « relativement soft » à tous les étages, orgies et partouzes dans toutes les chambres. Chez les hommes, 58 % des participants à l'enquête déclarent fantasmer sur des pratiques sexuelles avec deux femmes ou plus, et 40 % sur un ménage à trois. Les femmes, elles (tiens, quelle surprise !), ne sont que respectivement 10 et 19 % à être dans le cas. Et seulement 28 % d'entre elles fantasment sur une relation sexuelle avec deux hommes ou plus. Ce qui me scotche, comprenons-nous bien, ce n'est pas qu'ils soient si nombreux à se masturber sur des scénarii pareils. Mais pourquoi foutre n'assument-ils pas ??? Pourquoi tant d'adultère, de tromperies diverses et variées, de porno visitée en douce sur Internet et autres gamineries immatures ? La réponse, je l'ai : ce sont des vanille, ils ne sont pas capables de s'assumer. D'où le paysage très pornographiquement correct qui se déroule sur l'écran noir de leurs nuits blanches, pour paraphraser Claude. Ce ne sont que grandes blondes à forte poitrine, pénis aux dimensions Rocco Siffredesques et autres vagins dégoulinant d'excitation. Les deux vieux du Muppet Show (à savoir moi et mon homme), nous fendons d'un : « laaameeentaaable » entendu.

Il y a bien quelques exceptions, évidemment. Il y a des artisans du fantasme, même chez les vanille. Brett Kahr essaie bien de leur trouver des traumatismes. Mais c'est un peu peine perdue. Je gage que lorsque les « caramel » en question auront compris où leur force mentale, leur créativité et leur absence de préjugé les mènent, sexuellement parlant, ils ne tarderont pas à rejoindre le rang de celles et de ceux qui assument. Sans traumatisme, sans tabou et sans psychanalyse.

Cependant l'étude menée par Brett Kahr, malgré ce que je considère comme de gros biais méthodologiques (cadre d'analyse inclus), est remarquable. Renseignements pris sur la boîte privée qui lui a trouvé son échantillon, j'ai un « gros doute » sur leur impartialité. Mais ce n'est pas de sa faute. Pour le questionnaire utilisé, par contre, il est un peu responsable. Des questions fermées, qui orientent le répondant selon un cadre de travail terriblement axé sur le « je veux prouver ce que j'avance » (à savoir que les fantasmes sont construits pour corriger des traumatismes anciens), ce n'est pas très malin. Lorsqu'il formule des hypothèses sur les fonctions du fantasme, par exemple, Brett Kahr n'envisage au départ rien qui soit réellement positif. C'est seulement après les entretiens de psycho-diagnostic avec certains participants qu'il se rend compte qu'on peut aussi fantasmer pour des raisons plaisantes (et non pas parce qu'on s'ennuie ou qu'on veut réduire son stress). N'empêche, il fait preuve, tout au long de sa recherche, d'une remarquable humilité académique. Il se remet en question. Il regrette des choix ou des oublis dans sa méthodologie de travail. Ça sent son humaniste à plein nez. Et même s'il s'embrouille un peu parfois, dans la jungle des fantasmes de ses compatriotes, il refuse tout net de définir ce qui est « sain » ou « malsain ». Ce qu'il voudrait, en revanche, c'est réfléchir aux implications des problèmes qui sont posés par les résultats de l'enquête. Par exemple, celui que pose l'extrapolation à l'ensemble de la population le résultat suivant : 10 % de Britanniques ont des fantasmes de violence sexuelle (1,8 millions de personnes). Ça fait aucun doute, il va falloir BEAUCOUP PLUS de Donjons si tout ce joli monde passe de la fantasmagorie à la pratique...

Plus sérieusement, je suis entièrement et de tout cœur avec Brett Kahr lorsqu'il forme des souhaits de « réduire le poids de la culpabilité et de la honte qui demeurent encore si vivaces dans notre culture », afin de contribuer à « éradiquer la souffrance psychologique qui caractérise encore si souvent le domaine de la sexualité ». Et de rappeler que les fantasmes « peuvent être aussi source de plaisir ludique, de créativité et même d'amusements. »

En guise de conclusion, comme lui, je ne résiste pas au plaisir de recopier le fantasme d'un certain Reuben : « Mon plus grand fantasme sexuel ? Que ma femme se transforme en pizza et en pack de six après l'amour ! » Et celui d'une certaine Miriam (ce n'est pas moi, je précise) : « QUE MON PARTENAIRE ARRIVE À TENIR PLUS DE DEUX MINUTES ! »

« Le Livre des fantasmes » de Brett Kahr (titre original : « Sex and the psyche », est paru chez Grasset en 2008. ISBN 978 2 246 698319.
 
Traité du fétichisme à l'usage des jeunes générations de Jean Streff Imprimer
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Écrit par Miriam   
Traité du fétichisme à l'usage des jeunes générations de Jean Streff J'ai déjà parlé de Jean Streff dans un article sur « Le Sadomasochisme », l'un de ses ouvrages paru aux Éditions de La Garancière en 1984. Je ne remettrai donc pas le couvert à propos de sa biographie : les curieuses et les curieux la retrouveront sans peine.

C'est la semaine dernière que j'ai mis la main, entre autres aubaines, sur le «Traité du fétichisme à l'usage des jeunes générations » chez mon vieux complice de seconde main, dont je ne donnerai ni le nom ni l'adresse. Pas folle, la mouche... Je l'ai payé bien plus cher que je ne l'aurais voulu, d'ailleurs : c'est que Jean Streff est un nom connu, et que le mot « fétichisme » fait invariablement gonfler... hé, hé, la note (:D) Pour mettre un peu de baume à mon porte-monnaie malmené (belle allitération, au passage), je mis illico le nez dans l'ouvrage : puisque je l'ai payé deux fois plus cher que ma limite haute habituelle, autant le lire sur-le-champ, me disais-je. On se justifie comme on peut.

Tout d'abord, je fus un peu surprise : je découvris qu'il ne s'agissait en rien d'un traité, mais bien plutôt d'une encyclopédie, ou même, pour être exacte, d'une sorte de florilège du fétichisme selon Jean Streff. Notre auteur n'hésite d'ailleurs pas le moins du monde à se citer lui-même à de nombreuses reprises : « Le Masochisme au cinéma », « Vincent Plantier », « Les Aventuriers du fantasme » ou « Les Extravagances du désir » sont de fait repris dans la bibliographie très fournie proposée à la fin de l'ouvrage. De très nombreuses notes en bas de page sont également l'occasion pour lui de s'exprimer à titre tout personnel; exercice dont il s'amuse beaucoup, dans le corps du texte également.

Mais comment ne pas succomber dès les premières lignes à « l'incommensurable parti pris » de cette magnifique promenade dans les jardins sauvages de l'Éros ? Car pour s'amuser, il s'y amuse, Jean Streff; il jubile; il batifole; il rigole comme un gamin. Rien ne l'effraie, rien ne l'ennuie : il est, de son propre aveu, un « fétichiste de tout ». Il avertit son lecteur d'emblée : le livre parlera d'irréalité, car c'est la plus belle vérité du monde. Mais qu'on ne s'y trompe pas, cependant. S'il est exact qu'il sera souvent question d'imaginaire érotique, on est pourtant bel et bien à deux pieds dans le réel : les anecdotes vécues, les souvenirs attendris et les belles histoires d'amour qui émaillent les différents chapitres sont autant de preuves que Jean Streff ne disserte pas dans le vide. Il a une connaissance de première main, si je puis dire, de toutes les pratiques fétichistes dont il dresse les portraits : son texte est jubilatoire, écrivais-je, mais il n'est jamais « affabulatoire ». En ce sens, c'est une cause entendue, son ouvrage est bien un traité; le traité qu'écrit un mentor-es-fétichisme aux jeunes générations qui voudraient découvrir un univers dont, hélas, il est difficile de comprendre les arcanes, tant il est encore « tabou » sous bien des aspects. En l'occurrence, de solides jalons sont souvent les bienvenus, afin de ne pas se laisser subjuguer par des donneurs de leçons qui prétendraient avoir réinventé l'eau chaude (ou froide, selon les goûts). Ce n'est donc pas un hasard si le titre de l'ouvrage est un clin d'œil au situationnisme et au savoir-vivre.

Quoique, à bien y réfléchir, l'adjectif « jeune » soit peut-être superflu, dans « à l'usage des jeunes générations ». Chacun ressortira de l'ouvrage de Jean Streff beaucoup plus instruit, beaucoup plus serein et surtout immensément plus cultivé qu'il n'y était entré. Que l'on soit jeune ou vieux, finalement, cela n'a pas beaucoup d'importance : l'érudition fétichiste de Monsieur Streff est remarquable - et il pousse la générosité jusqu'à la mettre à la portée de tous, dans une langue pleine de fraîcheur et d'esprit. Un livre à s'offrir et à ouvrir dès qu'on le peut, donc.

« Traité du fétichisme à l'usage des jeunes générations » de Jean Streff, paru aux Éditions Denoël en 2005 (ISBN 2.207.25497.1)
 
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