Lectures érotiques - XXè siècle


L'amour est une fête de Sylvia Bourdon Imprimer
Lectures érotiques - XXè siècle
Écrit par Miriam Blaylock   

Sylvia Bourdon

L'amour est une fête, de Sylvia Bourdon.

 

Sylvia Bourdon, souvent présentée (à tort, selon elle) comme une actrice porno des années '70, est née à Cologne en 1949. Elle débute sa carrière officielle en France en 1975, par un rôle dans Le Sexe qui parle de Claude Mulot (que d'aucuns considèrent comme un grand classique du porno français de l'époque), puis obtient le rôle principal dans Candice Candy la même année. Remarquée aux côtés de Claudine Beccarie dans le documentaire Les Pornocrates en 1976, elle tient la vedette dans Exhibition 2 (le réalisateur des Pornocrates et d'Exhibition, n'est autre que Jean-François Davy). Elle publie en 1976 ses « confessions », sous le titre très évocateur de « L'amour est une fête »; confessions qui lui vaudront un joli scandale et, comme beaucoup d'autres femmes ayant participé à des films pornographiques, de terribles difficultés par la suite. Son deuxième livre, « Sous le sceau de l'Infamie », fera état des combats qu'elle devra mener pour sortir de l'ornière.

 

Voilà pour la présentation succincte du contexte et de l'ouvrage, paru aux Éditions Belfond et réédité en 2001 par les Éditions Blanche (au passage je précise que mon exemplaire est un J'ai Lu - dépôt légal 1er trimestre 1977).

 

L'amour est une fête, mais encore ? « Lisez ce livre comme un gigantesque éclat de rire », conseille André Bercoff dans l'introduction. Ce n'est en effet pas un livre triste, bien qu'il ait fait ricaner très jaune quand il est sorti, ce que l'on peut aisément comprendre. Sylvia Bourdon n'y va en effet pas de main-morte, c'est le moins que l'on puisse dire. Tout le monde y passe, sans mauvais jeu de mot; de la politique au naturisme, en passant par les institutions, les syndicats ou l'éducation nationale. Il y a du Rabelais chez Sylvia Bourdon, qui trouve Sade ennuyeux et cite Deleuze avec délectation. Ses confessions ont bien pris quelques rides (de jolies rides, je précise); mais ce portrait des mœurs du temps est précieux. Surtout en 2011. Le milieu des années '70, ceux qui l'ont vécu vous le diront, c'était en quelque sorte l'âge d'or de la pornographie. La production aseptisée à des fins commerciales ne régnait pas encore en maître incontesté du X (le X, d'ailleurs, venait tout juste d'être inventé par les socialistes). Une bande iconoclaste de joyeux dévergondés batifolait sans se soucier des lendemains, défrichant la terra incognita de la libido débridée. Le SIDA n'existait pas. La pilule et le flower power semblaient annoncer un avenir immortellement érotique. L'amour était une fête – surtout pour Sylvia Bourdon, 26 ans à l'époque, pleine de sève, de désirs et d'un monumental mépris pour le qu'en dira-t-on.

 

Ce qui m'est apparu, en la lisant, c'est qu'entre les trilles de son éclat de rire, l'auteur laisse parfois entrevoir des failles, de la souffrance ou du dégoût. Sous le masque de la provocatrice professionnelle, j'ai cru apercevoir, brièvement, le visage d'une jeune femme qui s'interroge et à qui personne ne semble pouvoir répondre. Il n'est pas innocent qu'à plusieurs reprises, dans ses confessions, elle remplace le « je » narratif par de courts passages de dialogues avec les amis dont elle fait le portrait. C'est un peu du théâtre, mais c'est aussi une sorte de soliloque intérieur, auquel nulle réponse ne parait satisfaisante. Humaine, si humaine, la comédie érotique de Sylvia Bourdon. C'est bien typiquement le stakhanovisme sexuel du milieu des années '70 qui est à l'œuvre dans « L'Amour est une fête », avec son lot de gang-bangs et d'orgies à la plage ou en club; mais c'est également la démesure un peu vaine du tout est permis et du rien n'est grave qui se déroule, innocente et impure, au fil des pages.

 

Le style de « L'amour est une fête », tout de truculence et de vulgarité, participe directement au plaisir de lecture. Aucune gêne ne viendra gâcher le plaisir évident qu'éprouve Sylvia Bourdon à se « foutre » du monde, au sens littéral. Qu'aucune gêne n'empêche cependant le lecteur, en 2011, de savourer ce bref bain de jouvence, ce retour aux sources d'une époque où l'Éros n'était pas encore un triste sire mécanique et pré-emballé. Cheers...

 

Miriam

 
La Nuit sera chienne de Max Genève Imprimer
Lectures érotiques - XXè siècle
Écrit par Miriam   

La Nuit sera chienne de Max Genève C'est dans un antre de perdition terrible, à savoir la boutique Harmonia Mundi d'Arles, que La nuit sera chienne s'invita soudainement dans ma bibliothèque, le 16 juillet 2008 à 16 heures 09 précises. Il serait délicat de préciser le contexte de l'achat (se montant à cinq euros et quarante centimes très exactement) sans donner à voir des pans de ma privacy que je souhaite absolument garder pour moi. Toujours est-il que c'est en compagnie de Fritz Lang, de Nagasi Oshima et de Pierre Louÿs, entre autres acquisitions, que je sortis d'un endroit que je crains autant que je l'adore : entre le rayon musique ancienne et la littérature érotique, je n'ai bien entendu aucune chance de m'en tirer indemne, lorsque j'ai la faiblesse de céder aux chants de sirène de ce monument de l'édition musicale et littéraire.

 

Max Genève, tout d'abord, qui bat le pavillon Zulma depuis 1995 et s'amuse à batifoler dans divers genres - et dont la production érotique ne passe guère inaperçue. Né à Mulhouse en 1945, ce sociologue de formation a publié à ce jour une vingtaine de romans. Voilà pour la présentation de l'auteur, un peu courte il est vrai, mais c'est davantage de l'oeuvre dont je voudrais parler.


Car La nuit sera chienne est un joyau à plus d'un titre. Et en parlant de titre, je dois tout d'abord souligner que celui-là est une réussite parfaite; mystérieux et limpide, donnant le « la » dès la couverture, et se déployant à mesure que le roman progresse. Mais ce n'est pas tout. Non content de nous offrir cette adorable prédiction météo, Max Genève s'en donne par-dessus la plume, dès l'apparition du principal protagoniste : Baptiste-Marie Bon. Avec une jubilation non dissimulée, l'auteur sautille de calembours en polysémies et sa belle humeur est excessivement contagieuse. Preuve, s'il en était besoin, que l'on peut faire de la littérature érotique rieuse et légère sans sombrer dans la gauloiserie ou dans les lieux communs. C'est toujours avec une indulgence candide que l'on suit Baptiste-Marie dans son initiation aux plaisirs de l'Éros, bien que le chemin qu'il emprunte soit semé d'embûches et fort loin de le garantir de redoutables faux-pas. Venons-en à la quatrième de couverture, dès lors, et plantons le récit.


Baptiste-Marie Bon, jeune homme de 18 ans, né à Bergerac, débarque un beau jour à Paris pour y faire sa médecine et la fierté de ses dignes parents, pharmaciens de leur état. Tout à ses projets de succès universitaires, Baptiste-Marie semble fort peu disposé à goûter aux joies de l'alcôve. Il se trouve pourtant vite embarqué dans une série d'aventures rocambolesques, car la nature l'a doté de proportions très avantageuses qui ne passent pas longtemps inaperçues. Voguant de quiproquos en surprises, Baptiste-Marie se découvre rapidement une soif insoupçonnée pour les ébats amoureux, après être tombé brutalement amoureux de sa voisine, une déesse nommée Déa, qui officie en tant que professionnelle à l'Inferno, un bar porno spécialisé dans les spectacles live.


Il y a, dans le récit des pérégrinations de « BMB », toute la verve de Cyrano et toute l'inventivité de Scapin, non sans quelques « touches très touchantes » de sensibilité pleine de réserve, malgré les rebondissements hautement pornographiques dont le roman regorge (c'est le cas de le dire...)


Pour terminer, la chute, très improbable et d'autant plus précieuse, laisse sur la langue du lecteur un parfum envoûtant de baiser d'amoureux : c'est dru, c'est vert et néanmoins d'une tendresse indescriptible. En un mot comme en 136 pages, c'est une longue nuit chienne, chimérique et chavirante, qu'on ne se lasse pas de revivre, une fois qu'on la parcourue. La nuit sera chienne, aux Éditions Zulma, ISBN 978-2-266-17957-7.

 
L'Oeil de vieux de Tiziano Scarpa Imprimer
Lectures érotiques - XXè siècle
Écrit par Miriam   

L'Oeil de vieux de Tiziano Scarpa

Tiziano Scarpa – L'oeil de vieux, bref essai sur l'avant-dernière histoire d'amour vécue par la femme à laquelle je désirais m'unir par un lien affectif durable.

 

Il est des rencontres fortuites qui ont des allures de conspiration lyrico-littéraire. C'est en soutenant, les mains pleines et les genoux broyés, une complète rangée d'ouvrages au rabais chez mon receleur habituel que l'Oeil de vieux m'est tombé dans le giron, tandis que le reste de l'étagère s'effondrait avec fracas sur le sol crasseux, où j'étais occupée à ramper à quatre pattes, pour ne pas changer. C'est le nom de famille de l'auteur qui attira immédiatement mon attention : scarpa, en italien, ça veut dire chaussure. Et il se trouve que je suis une fétichiste invétérée de la chaussure - c'est le genre de signe épiphanique et prémonitoire qu'il ne faut absolument pas dédaigner, si l'on ne veut pas se mettre les mânes littéraires à dos.

 

Vérification faite, le petit ouvrage - illustré d'un manga dégoulinant en couverture - ne coûtant que la modique somme de quatre euros, j'eus vite fait de l'embarquer dans ma fournée dominicale de trouvailles inattendues. Il resta d'ailleurs de long mois sur la pile des lectures en retard, pour la peine.

 

Or, tôt ou tard, les livres se font entendre et c'est à la faveur d'une énième infection virale galopante que je plongeai dans les eaux troubles du chef de file des « Cannibales » transalpins. Que dire ? C'est un chef-d'oeuvre, ni plus ni moins, qui tient autant des délires Tarantinesques que de la bohème Lurhmanniaque, non sans emprunter à la littérature ergodique de Danielewski une technique de narration éclatée, faites d'éléments totalement disparates et de détournements stylistiques parfaitement improbables, le tout lié à grand renfort de sexe, de sperme et d'humour caustique. Un chef-d'oeuvre, disais-je, non seulement d'inventivité et de poésie, mais aussi d'érudition et d'introspection psychologique. Le chapitre sept vaut à lui tout seul son pesant de pépites : reprenant le banquet de Platon et faisant s'affronter Alcibiade et Éryximaque, Tiziano Scarpa se fend d'un essai sur la nature du suc masculin dans le bas capitalisme, qui est sans nul doute l'un des passages les plus hilarants que j'aie jamais lu sur l'épineuse question, si je puis dire, des pollutions masculines.

 

Je ne puis passer sous silence un autre chapitre, le numéro 19, où l'un des protagonistes y va de sa lettre au courrier des lecteurs de la revue pornographique KissManga, en nous gratifiant au passage d'une des plus belles considérations sur le métier de dessinateur érotique qu'il m'ait jamais été donné de trouver. Le tout avec une admirable candeur et un sérieux de jeune homme très comme il faut, bien qu'il ne soit question que de sexes qui dégoulinent et de pornographie toute plate. Un chef-d'oeuvre, je le répète, un chef-d'oeuvre !

 

Et, pour couronner le tout, une ravissante histoire d'amour en prime. Un seul réflexe : foncer chez le premier libraire et s'offrir L'oeil de vieux illico prestissimo. C'est chez Christian Bourgeois Éditeur, ISBN 2-267-01533-1.

 

 

 
La Demoiselle de Compagnie de Catherine Nox Imprimer
Lectures érotiques - XXè siècle
Écrit par Miriam   

 

La Demoiselle de Compagnie par Catherine Nox

 

 

Sur la quatrième de couverture de l'ouvrage, l'on peut lire en exergue la petite citation suivante : « Qu'est-ce que la mauvaise herbe ? Celle qui pousse sans qu'on la sème : la mauvaise herbe des vilains rêves... Mais les vilains livres que vous trouverez dans « La Mauvaise Herbe » ont tous été « rêvés » par de bons écrivains. »

Pour l'abondante collection publiée par les Éditions Sabine Fournier, je serais bien en peine d'infirmer ou de confirmer l'affirmation qui précède, n'en ayant rien lu. Mais en ce qui concerne le premier roman de Catherine Nox, une chose est certaine : c'est la plus stricte vérité. Cependant, avant d'en venir au traditionnel résumé, je précise que la collection de La Mauvaise Herbe et les Éditions Sabine Fournier sont à ma connaissance totalement offline. L'on retrouve bien des traces ici et là, notamment sur le blog d'Olaf Boccère, qui illustra quelques livres de la collection Les Aphrodisiaques, dirigées par Esparbec (Georges Pailler, de son vrai nom). Ou encore, dans les archives (2006 !) de la rédaction de Sentiment Moderne, par Agnès Giard, un petit article sur le Salon du Livre de Paris où ledit Esparbec était présent en tant que directeur d'édition. Voilà en gros pour le contexte, passons donc au roman proprement dit.

Et proprement dit, c'est bien le cas de le dire. Car, sous un titre très anodin, dont usèrent avant elle Agatha Christie et Georges Simenon, pour ne citer qu'eux, Catherine Nox a écrit un roman particulièrement corsé, non sans user d'une arme redoutable : l'écriture la plus simple qui soit. Il y a, chez Catherine Nox, un sens de la narration graduée qui n'est pas sans me rappeler I married a dead man de William Irish (si remarquablement porté à l'écran par Robin Davis, avec une Nathalie Baye au sommet de son art). Toute l'atmosphère du roman hésite entre l'iconoclaste à la Bertrand Blier et le touchant de Claude Sautet. Car, il faut le souligner, le roman tient beaucoup plus du synopsis de long métrage que de la littérature : toute la densité, toute l'intense richesse visuelle du style de Catherine Nox feraient sans aucun doute merveille à l'écran.

Venons-en à la trame, qui est aussi dépouillée que le style. Claire, une jeune orpheline, élevée par sa tante et abusée par ses cousins, monte de Carcassonne à Paris. Après un petit boulot vite perdu, elle tente de ne pas sombrer dans la mendicité et accepte une place en tant que « demoiselle de compagnie » dans une famille aisée du Vésinet. Il s'avère bien vite que l'idiot dont elle doit s'occuper est en réalité un obsédé sexuel insatiable et que la mère de celui-ci est une sadique grand teint. Commence alors une longue descente aux enfers, décrite dans les moindres détails, et dont je tairai l'épilogue, pour ne gâcher le plaisir à personne.

Et le plaisir est au rendez-vous, tout au long des cent cinquante-huit pages de La Demoiselle de Compagnie; plaisir qui tient autant à la fluidité de l'écriture qu'à celle du récit. Chaque chapitre va crescendo vers le suivant, en une succession de scènes somme toute bien banales, en termes de fantasmes érotiques, mais que la voix de la protagoniste principale transcende à chaque instant, avec une sincérité et une vulgarité qui font tout l'intérêt du roman.

Au final, La Demoiselle de Compagnie, c'est un petit ouvrage à la couverture gris clair, au titre tout bête, mais qui retourne son monde, tout en "douceur". Magistral.

 
La Liste de Nurse Jones Imprimer
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Écrit par Miriam   

 

La Liste de Nurse Jones

 


La Liste est un OVNI littéraire de la planète web. Publié à l'origine sur un groupe de news (alt.sex.bondage) à l'époque préhisto-web (1991), La Liste est un récit BDSM autobiographique dont la renommée parmi les geeks de mon espèce n'est plus à faire. C'est d'ailleurs à un geek pur jus, Cyprien Luraghi, que l'on doit la traduction française des aventures de Nurse Jones. Cette traduction, protégée par copyright auprès de la SGDL, fut longtemps disponible sur la première version du site de Cyprien Luraghi, aujourd'hui inactive. Désormais, les amateurs pourront suivre la nouvelle version bloguesque des carnets littéraires de notre cyber-écrivain très énervé (et que j'ADORE : Cyp est une plume, une vraie !). Pour les anglophiles, The List, accompagnée de 85 billets publiés par l'auteur sur ASB, ÉTAIT disponible sur le site Geocities de Monsieur Peter Hoban, sous forme de fichier zippé. Geocities ayant disparu à jamais dans les limbes du web, écrivez-moi si jamais cette version originale vous intéresse. J'attire l'attention du visiteur sur le fait que les textes, même s'ils n'ont pas été imprimés par une maison d'édition, sont bien entendu protégés par la législation sur les droits d'auteur. C'est la raison pour laquelle je renvoie les amateurs à la source : n'ayant pas le droit de reproduire La Liste, je m'en abstiens comme il se doit. Si chacun pouvait agir de même, ce serait merveilleux...


Donc La Liste, en résumé, est une histoire d'amour toute simple. Un homme et une femme, une rencontre, une séparation, des retrouvailles et le grand saut dans la vie à deux. Voilà, en gros, pour les dix premières pages. Ensuite, un récit commence : le compte-rendu détaillé des péripéties de nos deux tourtereaux, fraîchement établis dans leur nouvelle demeure, tandis qu'ils concrétisent, un point après l'autre, le programme concocté par leurs soins sous forme de liste, en parcourant toute la gamme de leurs fantasmes. De la nudité aux lavements, le crescendo est subtil et d'une sensibilité telle que, pour tout lecteur "non vanille" normalement constitué, l'émotion est forcément au rendez-vous.

En ce qui me concerne, je pourrais très difficilement expliquer, sans me mettre à nu, le déchirement puissant qui me taillada le coeur le samedi 19 février 2005, lorsque je commençai de lire La Liste. Aussi n'entrerai-je pas dans les détails et me contenterai-je d'écrire gris sur bordeaux toute l'admiration que j'ai pour ce récit.

Il faut tout d'abord resituer La Liste dans son contexte : en 1991, publier sa vie privée sur Internet, en allant jusqu'aux tréfonds les plus intimes, n'était pas chose aussi courante qu'aujourd'hui. On pourrait affirmer que la femme qui eut le courage de se lancer dans un tel challenge, même sous le couvert d'un pseudonyme, ne manquait pas d'une certaine force intérieure. Ni de motivation. Ni d'Amour, car c'est bien de l'Amour d'une femme pour un homme qu'il s'agit, bien avant l'amour d'une soumise pour son Maître.

Ensuite, et je parle autant de l'excellente traduction de Cyprien Luraghi que de la version originale en anglais américain, La Liste est un magnifique bouquin de cent quarante pages, bien qu'elle n'ait jamais été publiée sur un support papier traditionnel. Le récit, rédigé sous forme de journal, tient autant du "stream of consciousness" que de la nouvelle érotique; à ceci près que le medium de publication a fortement influé sur la trame narrative, en permettant des flash-backs et des flash-forwards, axés sur le délai entre les événements et leur consignation, puis entre la sauvegarde des billets et leur publication sur le newsgroup. Ce qui donne à la continuité narrative un petit parfum d'Amérique très prononcé - mais néanmoins délicieux.

Mais surtout, et c'est là que La Liste s'affirme en tant qu'oeuvre littéraire, le style de Nurse Jones est tout de précision, d'inventivité, d'humour et de poésie. Sans éluder le moins du monde les côtés ridicules, maladroits, douloureux ou humiliants de son expérience, la narratrice parvient à séduire le lecteur en trois paragraphes à peine, dans une sarabande ininterrompue de sexe, d'auto-dérision et de critique acerbe de la morale judéo-chrétienne. C'est vif, c'est direct comme seuls les américains savent l'être; en bref c'est drôle et c'est vrai. Un cocktail détonnant qui, venant d'une complète novice en la matière, ne peut qu'inspirer le respect.

Enfin et c'est à mes yeux le principal, La Liste, entre les lignes, donne une solide leçon de BDSM bien tempéré, du moins tempéré tel qu'il devrait l'être dans l'idéal (ce qui est malheureusement parfois loin d'être le cas). Aussi ne puis-je que conseiller avec véhémence, à toutes celles et à tous ceux que l'aventure d'une relation d'échange de pouvoir séduirait, de se plonger dans la lecture de La Liste séance tenante...

La Liste, c'est ce qu'une relation de Maître à soumise devrait toujours être : un magnifique chemin de partage, de confiance absolue, de tendresse par-delà les dogmes et d'Amour avec un "A" vertigineux. Car, n'en déplaise à certains énergumènes, la négociation n'est jamais une formalité castratrice et emmerdante. Le respect des limites doit évidemment demeurer une loi d'airain inconditionnelle et absolue. La confiance totale d'une soumise ne doit jamais se muer en un levier pratique, sur lequel appuyer une manipulation mentale, à des fins de jouissance sexuelle ou de mise en valeur d'un égo surdimensionné.

Lisez La Liste, dès lors; c'est un récit dont on sort grandi, humainement et métaphysiquement. Intéressé par un exemplaire ? Contactez-moi ou contactez Cyprien Luraghi : lurapuy*nepasécrirececi*@gmail.com.

 
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