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Lectures érotiques - Varia
Écrit par Miriam   

Lettre ouverte aux mal baisants de Gérard Zwang

S'il fallait qu'un débutant débutât quelque part, en matière d'érotisme, je ne pourrais conseiller qu'un seul ouvrage avant toute autre lecture : Lettre ouverte aux mal baisants de Gérard Zwang. Et ce faisant, je ferais preuve d'un parti-pris très net, autant que d'une solide dose d'auto-contradiction. Car Monsieur le Docteur Zwang est "rien moins que tendre" (une expression qui lui est chère) à l'encontre des déviant/es sexuel/les de mon acabit. Mais je m'en fous car pour le fond de l'histoire sado-masochiste, je ne peux évidemment pas lui donner tort. Oui, c'est un fait cliniquement établi : nous autres les sadomasos ne sommes pas du tout dans la norme; nous sommes des endorphino-dépendants chroniques, qui mélangeons allègrement les genres et les instincts, dans une purée aussi indigeste que dangereuse pour le "plain-vanilla" bien de sa personne. Et j'ajoute : tant mieux ! Ma provoc' la plus habituelle n'est-elle pas : Je ne suis pas un exemple à suivre, mais je sais très bien où je vais ? J'irais plus loin, même, en applaudissant des deux mains - alors que Zwang traite Harnoncourt de crapule [sic] ou Sade de sinistre branlotin [re-sic] - devant une telle accumulation de franche gueulerie et de libre-expression bien tempérée (car l'auteur, précisé-je, est un fan absolu de Mozart et de Xenakis).

Bien qu'il date de 1975, l'ouvrage n'a pas pris une seule ride. Et c'est bien là ce qui devrait nous flanquer à tous, normaux et autres, une trouille fort salutaire ! En ces temps politiquement corrects, je vois mal qui pourrait encore se targuer d'envoyer des insultes pareilles à tour de bras, sans se retrouver illico écrasé sous les procès pour diffamation. C'est à cela que l'on mesure la dégringolade de ces trente dernières années : il n'est plus question de penser ou d'affirmer, mais bien de suivre. J'ignore comment Monsieur Zwang juge la daube sexuellement correcte qui nous tient lieu d'érotisme contemporain, mais je suis sûre d'une chose : la mode des minous déplumés doit le rendre aussi enragé que moi...

Pour le contenu de cette lettre ouverte, c'est un vrai plaidoyer pour le plaisir. En décrivant sept anticiels successifs, Gérard Zwang passe à la moulinette de son humanisme laïc et militant les aigris et les dogmatiques de tous bords : des religieux criminels aux intellos abscons, tout le monde en prend pour son grade, dans une suite ininterrompue de noms d'oiseaux parfaitement réjouissants. Enfin un auteur engagé, un vrai, qui n'a ni honte ni lâcheté et qui tire à vue sur ce qu'il juge détestable. En cela, ne lui en déplaise, il rejoint Sade sur bien des points.

En guise de conclusion, je ne peux que m'aligner sur les théories "zwangiennes" qui prônent, je les cite avec beaucoup de bonheur : "Frères pointus, soeurs fendues, si votre voisin, si votre voisine, ne vous réveillent pas quand ils baisent la nuit. Ne séduisent pas contre leur gré vos enfants mineurs ou votre conjoint, ne vous obligent pas à voir des films qui vous choquent, à lire des livres qui vous emmerdent, à vous mettre à poil quand vous ne voulez pas, à baiser avec eux quand vous n'avez pas envie; s'ils ne choisissent pas à votre place pour vous dire avec qui baiser, et quand, et où, et qu'ils ne viennent pas vous regarder pendant; s'ils ne calomnient pas chez le boucher, le curé ou le préfet votre façon de baiser, les gens avec qui vous baisez, et les opinions que vous avez sur le sujet; s'ils ne viennent pas baiser chez vous sans votre permission, dans votre salle à manger pendant que vous dînez; s'ils ne se sentent pas investis du devoir sacré de prévenir votre conjoint qu'il est cocu, de couper le bout de vos petits garçons; s'ils vous autorisent à baiser à votre faim, à votre manière, sans obéir à des critères qu'ils vous imposeraient. Eh bien, alors, laissez-les donc tranquilles. Foutez-leur la paix, laissez-les foutre en paix !".

Lettre ouverte aux mal baisants de Gérard Zwang, donc, paru en 1975 chez Albin Michel, ISBN 2-226-00197-2.

 

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